«La Vie de ma mère», ou comment on s’est disputés
Julien Carpentier s’inspire pour son premier long métrage de son histoire familiale. Après une première partie hésitante, son film est illuminé par Agnès Jaoui
Pendant le discours prononcé par Jamel Debbouze en l’honneur d’Agnès Jaoui lors de la dernière cérémonie des Césars, on a vu l’actrice, scénariste et réalisatrice passablement émue. Récipiendaire d’une compression honorifique, elle est avec sept Césars la femme la plus récompensée par l’Académie des arts et techniques du cinéma depuis sa création. Et la voici cette semaine en mère encombrante dans le premier long métrage de Julien Carpentier, réalisateur et scénariste formé à l’écriture, auteur de plusieurs courts métrages, clips et publicités, en marge de nombreuses collaborations pour des émissions et programmes de Canal+, France Télévisions et TF1. Autant d’expériences qui font de La Vie de ma mère un film parfaitement tenu, même si on peut y déceler dans sa première partie quelque chose de télévisuel dans sa manière de surligner le récit plutôt que de le laisser respirer.
Après qu’on a fait la connaissance de Pierre (William Lebghil), un jeune fleuriste qui trime dur avec son ami et employé Ibou pour faire tourner sa boutique, ce qui pourrait d’abord être une simple comédie prend soudainement un virage dramatique lorsque sa grandmère l’appelle. «Ta mère est là», lui ditelle laconiquement. Alors qu’il a un rendez-vous important pour l’avenir de son commerce, Pierre doit se résoudre à aller affronter Judith (Agnès Jaoui), qu’il n’a plus revue depuis deux ans. «Elle n’a pas eu beaucoup de chance dans la vie», plaide sa grand-mère tout en sachant qu’il faut la ramener dans la clinique d’où elle s’est échappée.
Vers une réconciliation
Judith est bipolaire, et son fils ne lui a pas pardonné une enfance chaotique, perturbée par ses phases d’euphorie et ses dépressions graves. Les voilà contraints de passer quelques heures ensemble… Avec la possibilité d’une réconciliation mère-fils? Très vite, on devine à de menus détails que le récit pourrait être de l’ordre de l’autobiographie. Et sans surprise, le dossier de presse du film confirme l’intuition: la mère de Julien Carpentier souffre de la même maladie, et il a dû «la faire hospitaliser en centre psychiatrique à de nombreuses reprises».
De cette proximité avec son sujet vient la belle justesse de la seconde partie du récit, qui ralentit enfin lorsque Pierre et Judith se rapprochent pour tenter de comprendre ce qu’a vécu l’autre. Et au-delà de la dimension thérapeutique du projet pour son auteur, c’est sans surprise la présence d’Agnès Jaoui qui est l’atout majeur de La Vie de ma mère. La façon dont elle est constamment dans le champ de la fiction, alors que le réalisateur aurait pu privilégier une approche plus documentaire, est réjouissante.
■ La Vie de ma mère, de Julien Carpentier (France, 2023), avec Agnès Jaoui, William Lebghil, Salif Cissé, Alison Wheeler, 1h45.