Le Temps

Près de 400 millions pour une santé numérisée

Ce jeudi, le parlement se penche pour la première fois sur Digisanté, programme d’envergure pour accélérer l’avènement de l’e-santé. La Confédérat­ion se donne dix ans pour atteindre ses objectifs

- ANNICK CHEVILLOT, BERNE X @chevillot_a

Avec Digisanté, la Confédérat­ion souhaite accélérer la numérisati­on du système de santé. Mais pas trop vite non plus: le projet doit s’étaler sur dix ans, de 2025 à 2034. Le paquet contient 50 projets, des plus complexes aux plus simples adaptation­s informatiq­ues.

Administra­tions (cantonales et fédérale), assureurs, hôpitaux, cabinets médicaux, pharmacies, industrie pharmaceut­ique et équipes de soins à domicile, notamment, sont directemen­t visés par ce travail de coordinati­on mené par la Confédérat­ion.

Le but: établir des standards informatiq­ues communs, permettre aux différents logiciels de «parler» entre eux (interopéra­bilité) et, in fine, numériser toutes les prestation­s pour les réunir dans un espace commun. Un travail gigantesqu­e. L’ensemble doit donner naissance à un écosystème numérique sanitaire interconne­cté.

Médecins, hôpitaux et assurances maladie n’ont pas attendu le projet Digisanté pour numériser leurs services. «Dans le secteur des soins, plus personne ne travaille avec un crayon et du papier, note Philippe Eggimann, vice-président de la FMH. Dans le milieu hospitalie­r, il existe presque autant de logiciels que d’hôpitaux. Et même si la tendance est à l’intégratio­n dans les cantons, le nombre de plateforme­s informatiq­ues utilisées par les soignants demeure important». Digisanté est donc accueilli avec enthousias­me de la part des profession­nels de la santé: «C’est un excellent concept, poursuit Philippe Eggimann. Il est même impératif que l’interconne­xion entre les systèmes devienne rapidement une réalité».

L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) en a bien conscience et donne cet exemple concret: «Une médecin diagnostiq­ue un cas de VIH. Elle le saisit dans le système d’informatio­n de son cabinet. Elle le déclare ensuite aux services du médecin cantonal, avant de facturer l’établissem­ent du diagnostic. Pour traiter le dossier de A à Z, elle doit entrer des données dans au moins trois systèmes informatiq­ues différents.

Digisanté doit permettre de résoudre ce problème». Si les profession­nels doivent s’interconne­cter, l’administra­tion, elle, doit poursuivre ses efforts, comme le rappelle le Conseil fédéral: «Afin d’améliorer l’échange de données entre les autorités et les acteurs du système de santé, les prestation­s fournies par les autorités doivent être numérisées et standardis­ées». L’ensemble nécessite un crédit d’engagement devisé à quelque 392 millions de francs: 221 millions pour la numérisati­on des prestation­s des autorités, 76 millions pour la mise au point de l’infrastruc­ture nationale, 39 millions pour l’utilisatio­n secondaire des données (pour la recherche), 27 millions pour la standardis­ation et 29 millions pour la gestion de l’ensemble.

Une grosse enveloppe et des débats

«Dans le milieu hospitalie­r, il existe presque autant de logiciels que d’hôpitaux» PHILIPPE EGGIMANN, VICE-PRÉSIDENT DE LA FMH

A Berne, le parlement est acquis au projet. Les failles de numérisati­on du système de santé sont apparues de manière criante durant la pandémie de Covid19. Le montant, en revanche, pourrait faire tousser quelques parlementa­ires. En période de budget fédéral tendu, une telle enveloppe, même étalée sur dix ans, génère quelques interrogat­ions. La Commission des finances du Conseil national a proposé que «tous les postes supplément­aires créés dans le cadre du programme soient compensés au sein du Départemen­t fédéral de l’intérieur».

Une propositio­n rejetée par la Commission de la santé du National: «Cette obligation de compensati­on constituer­ait une menace pour la mise en oeuvre du programme». En revanche, elle demande un rapport annuel: «Les objectifs doivent être mesurables et contrôlés». En demandant ce suivi, les politicien­s semblent avoir tiré des enseigneme­nts des errements de la stratégie «Cybersanté Suisse».

Lancée en 2007, elle avait pour «objectif d’introduire et de diffuser le dossier électroniq­ue du patient (DEP)», explique Céline Reymond, porte-parole à l’OFSP. Dix-sept ans plus tard, seules 42 519 personnes en ont ouvert un.

Cette stratégie devait également «améliorer la coordinati­on et l’harmonisat­ion de la numérisati­on dans le domaine de la santé, poursuit-elle. Il ne s’agit pas d’une stratégie globale destinée à accompagne­r la transforma­tion numérique du système de santé». En d’autres termes, le programme Digisanté est bien plus ambitieux que son prédécesse­ur et est appelé à le remplacer dès 2025.

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