Les parlements bernois et jurassien avalisent le transfert de Moutier
Les deux législatifs ont sans surprise validé hier le concordat qui règle les modalités du changement d’appartenance cantonale de la cité prévôtoise. La population des deux cantons devra se prononcer en septembre
Le 28 mars 2021, la commune bernoise de Moutier décidait que son avenir serait jurassien. Trois ans plus tard, une étape essentielle a été franchie ce mercredi avec la validation par les parlements des deux cantons du concordat intercantonal réglant les modalités de transfert. Et comme dans une demi-finale, le coup d'envoi des discussions était réglé aux environs de 13h30 dans les deux hémicycles, probablement pour éviter que les débats de l'un ne viennent influencer ceux de l'autre.
Le Grand Conseil bernois a été le premier à rendre sa décision – 122 oui, 19 non et 26 abstentions – après un peu plus d'une heure de discussion. Avec en fil rouge, la volonté de mettre un terme définitif à la Question jurassienne et d'accepter la décision démocratique de Moutier. Aussi douloureuse soit-elle pour le canton, pour le Jura bernois et surtout pour les 45% d'habitants de Moutier qui ne voulaient pas de ce transfert.
Un bon compromis
Le plus emblématique de ces Prévôtois aujourd'hui étant sans doute le député UDC Marc Tobler, également conseiller municipal dans la commune et fervent antiséparatiste, qui n'a pu retenir ses larmes à la tribune. «Je me bats depuis plus de vingt ans pour le bien de Moutier. A moins de vingt-deux mois du changement de canton, je ne vois toujours que des promesses côté jurassien. Je ne peux que refuser ce concordat.» La grande majorité des refus et des abstentions sont venues de son parti, en soutien symbolique à cette minorité prévôtoise.
La grande majorité a, quant à elle, salué un bon accord. «Ni Berne ni le Jura ne sont totalement satisfaits, mais il n'y a pas de perdant. C'est le signe d'un bon compromis», a souligné le chef du groupe socialiste Ulrich Egger. Beaucoup se sont aussi réjouis de l'article spécifiant que «les deux cantons mettent un terme définitif à tout différend territorial entre eux.»
Mais est-ce vraiment la fin de la Question jurassienne, se sont interrogés certains? «La réponse définitive sera donnée par l'Histoire et dépendra du comportement des générations à venir. S'il est empreint de respect, d'ouverture et de tolérance, nous y arriverons», a toutefois relevé le vert'libéral Simon Burri. Appuyant son propos, le député PEV Tom Gerber a fait un premier pas: «On doit tous apprendre à passer par-dessus notre ressentiment, et moi aussi. Mais fini, c'est fini, et Berne devra désormais être intransigeante. Laissons les fanatiques mourir avec leur fanatisme!»
Le conseiller d'Etat UDC Pierre Alain Schnegg, chargé des Affaires jurassiennes, a finalement insisté sur la responsabilité du Grand Conseil: «En acceptant ce concordat, vous prenez un engagement envers la population du Jura bernois, car c'est vous qui devrez veiller à ce qu'il soit respecté. Pensez-y bien avant de voter!»
Plébiscite jurassien
«Ni Berne ni le Jura ne sont totalement satisfaits, mais il n’y a pas de perdant. C’est le signe d’un bon compromis» ULRICH EGGER, CHEF DU GROUPE SOCIALISTE
Le parlement jurassien a suivi quelques minutes plus tard, avec un résultat sans équivoque: 57 oui, 1 non et 2 abstentions. Ici aussi, «tous les groupes parlementaires ont parlé d'un moment historique et solennel, qualifiant ce concordat de complet et équilibré», relève l'ATS. Il permet surtout d'accueillir Moutier, ont relevé les orateurs. En acceptant le concordat, les députés ont aussi abrogé l'article 139 de la Constitution jurassienne. Cet article stipulait que le gouvernement est habilité à engager un processus tendant à la création d'un nouveau canton couvrant les territoires du Jura bernois et du canton du Jura. Sa suppression était une condition sine qua non exigée par le Grand Conseil bernois.
L'étape des législatifs jurassiens et bernois passée, le concordat devra à présent être validé par la population des deux cantons le 22 septembre prochain, puis par l'Assemble fédérale en 2025. En cas de refus, l'ensemble du processus prendrait fin et Moutier resterait bernoise. Les Jurassiens seront aussi appelés à accepter à la fin de cette année la création d'un nouveau district de Moutier, notamment pour garantir la représentation politique de la commune au niveau cantonal.
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