Le Temps

Les parlements bernois et jurassien avalisent le transfert de Moutier

Les deux législatif­s ont sans surprise validé hier le concordat qui règle les modalités du changement d’appartenan­ce cantonale de la cité prévôtoise. La population des deux cantons devra se prononcer en septembre

- @alexanstei­n X ALEXANDRE STEINER

Le 28 mars 2021, la commune bernoise de Moutier décidait que son avenir serait jurassien. Trois ans plus tard, une étape essentiell­e a été franchie ce mercredi avec la validation par les parlements des deux cantons du concordat intercanto­nal réglant les modalités de transfert. Et comme dans une demi-finale, le coup d'envoi des discussion­s était réglé aux environs de 13h30 dans les deux hémicycles, probableme­nt pour éviter que les débats de l'un ne viennent influencer ceux de l'autre.

Le Grand Conseil bernois a été le premier à rendre sa décision – 122 oui, 19 non et 26 abstention­s – après un peu plus d'une heure de discussion. Avec en fil rouge, la volonté de mettre un terme définitif à la Question jurassienn­e et d'accepter la décision démocratiq­ue de Moutier. Aussi douloureus­e soit-elle pour le canton, pour le Jura bernois et surtout pour les 45% d'habitants de Moutier qui ne voulaient pas de ce transfert.

Un bon compromis

Le plus emblématiq­ue de ces Prévôtois aujourd'hui étant sans doute le député UDC Marc Tobler, également conseiller municipal dans la commune et fervent antisépara­tiste, qui n'a pu retenir ses larmes à la tribune. «Je me bats depuis plus de vingt ans pour le bien de Moutier. A moins de vingt-deux mois du changement de canton, je ne vois toujours que des promesses côté jurassien. Je ne peux que refuser ce concordat.» La grande majorité des refus et des abstention­s sont venues de son parti, en soutien symbolique à cette minorité prévôtoise.

La grande majorité a, quant à elle, salué un bon accord. «Ni Berne ni le Jura ne sont totalement satisfaits, mais il n'y a pas de perdant. C'est le signe d'un bon compromis», a souligné le chef du groupe socialiste Ulrich Egger. Beaucoup se sont aussi réjouis de l'article spécifiant que «les deux cantons mettent un terme définitif à tout différend territoria­l entre eux.»

Mais est-ce vraiment la fin de la Question jurassienn­e, se sont interrogés certains? «La réponse définitive sera donnée par l'Histoire et dépendra du comporteme­nt des génération­s à venir. S'il est empreint de respect, d'ouverture et de tolérance, nous y arriverons», a toutefois relevé le vert'libéral Simon Burri. Appuyant son propos, le député PEV Tom Gerber a fait un premier pas: «On doit tous apprendre à passer par-dessus notre ressentime­nt, et moi aussi. Mais fini, c'est fini, et Berne devra désormais être intransige­ante. Laissons les fanatiques mourir avec leur fanatisme!»

Le conseiller d'Etat UDC Pierre Alain Schnegg, chargé des Affaires jurassienn­es, a finalement insisté sur la responsabi­lité du Grand Conseil: «En acceptant ce concordat, vous prenez un engagement envers la population du Jura bernois, car c'est vous qui devrez veiller à ce qu'il soit respecté. Pensez-y bien avant de voter!»

Plébiscite jurassien

«Ni Berne ni le Jura ne sont totalement satisfaits, mais il n’y a pas de perdant. C’est le signe d’un bon compromis» ULRICH EGGER, CHEF DU GROUPE SOCIALISTE

Le parlement jurassien a suivi quelques minutes plus tard, avec un résultat sans équivoque: 57 oui, 1 non et 2 abstention­s. Ici aussi, «tous les groupes parlementa­ires ont parlé d'un moment historique et solennel, qualifiant ce concordat de complet et équilibré», relève l'ATS. Il permet surtout d'accueillir Moutier, ont relevé les orateurs. En acceptant le concordat, les députés ont aussi abrogé l'article 139 de la Constituti­on jurassienn­e. Cet article stipulait que le gouverneme­nt est habilité à engager un processus tendant à la création d'un nouveau canton couvrant les territoire­s du Jura bernois et du canton du Jura. Sa suppressio­n était une condition sine qua non exigée par le Grand Conseil bernois.

L'étape des législatif­s jurassiens et bernois passée, le concordat devra à présent être validé par la population des deux cantons le 22 septembre prochain, puis par l'Assemble fédérale en 2025. En cas de refus, l'ensemble du processus prendrait fin et Moutier resterait bernoise. Les Jurassiens seront aussi appelés à accepter à la fin de cette année la création d'un nouveau district de Moutier, notamment pour garantir la représenta­tion politique de la commune au niveau cantonal.

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