Nouvelles cartes de débit: Visa perd une manche dans la guerre des tarifs
Le Tribunal administratif fédéral a refusé le recours de la société américaine. Celle-ci s’était insurgée contre la demande de la Commission de la concurrence de réduire ses frais
Il s'agit d'une petite victoire pour les commerçants, surtout les plus modestes, dans la guerre des tarifs appliqués pour les nouvelles cartes de débit. Le Tribunal administratif fédéral (TAF) a rejeté une mesure provisionnelle demandée par Visa: le spécialiste des services de paiement voulait continuer à appliquer de manière temporaire des frais appelés «commission d'interchange» de 0,2% par transaction alors que la Commission de la concurrence (Comco) lui avait demandé de les abaisser à 0,12%.
Enquête toujours en cours
«Le TAF estime que la demande a pour unique but d'affranchir Visa du risque de sanctions pendant la durée de l'enquête. L'exonération de sanctions demandée en raison de son seul intérêt privé est cependant contraire au régime de sanctions prévu par la loi sur les cartels», indique l'instance juridique basée à Saint-Gall pour expliquer le refus de la mesure provisionnelle. Visa a maintenant un mois pour recourir contre cet arrêt au Tribunal fédéral.
A la suite des plaintes de nombreux acteurs du commerce de détail, la Comco a en effet ouvert l'été dernier une enquête à l'encontre de Visa et Mastercard, portant sur les commissions d'interchange appliquées lorsqu'un achat est fait avec les nouvelles cartes de débit. Ces dernières, devant à terme remplacer les Maestro, peuvent également être utilisées pour les achats en ligne, ce qui n'était pas le cas des modèles précédents. L'inconvénient souvent souligné par les commerçants, c'est que les nouvelles cartes de débit coûtent plus cher: pour chaque transaction, une charge de 0,2% est perçue par les deux géants américains et les banques émettrices. Et cette commission incombe aux détaillants. La Maestro avait quant à elle l'avantage de bénéficier d'un tarif forfaitaire.
Dans le cadre de son enquête, la Comco a demandé à Mastercard et Visa de revoir à la baisse la commission d'interchange de 0,2% par achat à 0,12%. Les parties s'étaient entendues pour garder un tarif de 0,2% le temps que les parts de marché des nouvelles cartes de débit atteignent 15%, une chose faite depuis un an. Mastercard ayant préféré collaborer avec l'autorité de la concurrence, un accord devrait être trouvé d'ici les deux à trois prochains mois, avait expliqué il y a deux semaines au Temps le vice-directeur de la Comco, Olivier Schaller. Visa avait de son côté contesté le bien-fondé de cette baisse des prix et demandé de garder une commission d'interchange de 0,2% durant le temps de l'enquête. Mais la Comco s'y était opposée et le TAF vient de lui donner raison.
Eventuelle amende
Sachant que la situation pourrait éventuellement tourner en sa défaveur, Visa a toutefois annoncé il y a un an à la Comco appliquer un taux de commission de 0,12% pour certaines «dépenses liées aux besoins du quotidien» depuis le 1er juillet 2023, soit un jour après l'ouverture de la procédure de la Comco à son encontre.
«A la suite du jugement du TAF, Visa et les banques émettrices des cartes de débit pourraient écoper d'une amende si les commissions d'interchange appliquées devaient être considérées finalement comme illicites par le Tribunal fédéral. La Comco avait suggéré une commission de 0,12% par transaction, ce que Visa pourrait appliquer pendant la procédure pour éviter tout risque de sanction», a déclaré au Temps Olivier Schaller en réaction au jugement.
Le groupe américain a estimé dans un communiqué mardi soir que la décision du TAF «n'est pas une bonne nouvelle pour les commerçants suisses». Il «examinera attentivement» le jugement et décidera des suites à donner «en temps voulu».
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«L’exonération de sanctions demandée est contraire à ce qui est prévu par la loi sur les cartels»
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF FÉDÉRAL