Pourquoi l’or s’enflamme-t-il?
Le niveau record de l’once atteint mardi reflète la montée des craintes parmi les investisseurs: que les rendements obligataires baissent, que les bourses se corrigent ou que les tensions géopolitiques se poursuivent
L'or a touché un plus haut historique mardi, à plus de 2140 dollars, après une progression très marquée depuis mi-février. L'accélération du prix de l'once ces derniers jours a surpris les observateurs, en l'absence de changements majeurs dans les attentes du marché concernant les baisses de taux d'intérêt ou les données macroéconomiques. Une explication est peut-être à chercher du côté de la dette américaine, tandis que la crainte d'une correction des marchés se fait plus présente.
«Les investisseurs anticipent une baisse des rendements obligataires, car la dette américaine est de moins en moins tenable; le gouvernement risque d'être obligé d'abaisser les taux à court terme parce que le service de la dette est trop lourd», avance Loïc Schmid, responsable des investissements chez 1875 Finance.
Ralentissement économique pas exclu
La dette américaine approchait hier matin 34 487 milliards de dollars, après une accélération plus marquée ces derniers mois. Cet endettement, qui représente plus de 102 000 dollars par citoyen américain et plus de 266 000 par contribuable, augmente d'environ 1000 milliards de dollars tous les 100 jours. Le ratio dette/ PIB dépassait 121% fin 2023 aux Etats-Unis.
Le gouvernement américain «dépense sans compter en cette année électorale, peut-être pour soutenir l'activité alors que certaines données macroéconomiques, comme le ralentissement observé dans les services en février aux Etats-Unis, pointent la possibilité d'un ralentissement économique au dernier trimestre, ce qui pousserait les rendements obligataires à la baisse», poursuit le spécialiste genevois, qui s'attend à ce que l'or atteigne 2500 dollars d'ici douze mois.
La crainte d'une correction des marchés, qui évoluent eux aussi à des niveaux record, peut expliquer un engouement pour des alternatives comme l'or, toujours perçu comme une valeur refuge. La publication, vendredi, d'une activité manufacturière plutôt faible aux EtatsUnis peut avoir convaincu des investisseurs à sortir des actions et aller vers le métal jaune, selon Ole Hansen, spécialiste des matières premières chez Saxo Bank, cité par Bloomberg.
Signal de la Fed
Une autre explication serait que les marchés s'attendent à une confirmation que la Fed baissera ses taux cette année, lors de la prochaine réunion de la banque centrale américaine, les 19 et 20 mars. Un recul des taux est bénéfique pour l'or, qui ne produit pas d'intérêt.
A court terme, la demande pour l'or en tant que valeur refuge va demeurer élevée, sur fond de tensions géopolitiques croissantes, notamment au Moyen-Orient et dans la mer Rouge, estime pour sa part Claudio Wewel, de Safra Sarasin, dans une note datée du 5 mars. A moyen terme, le stratège sur les changes relève que l'or a tendance à performer particulièrement bien autour de la première baisse de taux de la Fed, tandis que les incertitudes sur la croissance chinoise vont soutenir la demande d'or physique.
Sur le long terme, en plus de ces tendances, l'affaiblissement graduel du dollar devrait également soutenir l'or, tandis que le consommateur chinois et les banques centrales de pays émergents devraient structurellement augmenter leurs achats d'or, conclut Claudio Wewel.
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