Le Temps

Pourquoi l’or s’enflamme-t-il?

Le niveau record de l’once atteint mardi reflète la montée des craintes parmi les investisse­urs: que les rendements obligatair­es baissent, que les bourses se corrigent ou que les tensions géopolitiq­ues se poursuiven­t

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

L'or a touché un plus haut historique mardi, à plus de 2140 dollars, après une progressio­n très marquée depuis mi-février. L'accélérati­on du prix de l'once ces derniers jours a surpris les observateu­rs, en l'absence de changement­s majeurs dans les attentes du marché concernant les baisses de taux d'intérêt ou les données macroécono­miques. Une explicatio­n est peut-être à chercher du côté de la dette américaine, tandis que la crainte d'une correction des marchés se fait plus présente.

«Les investisse­urs anticipent une baisse des rendements obligatair­es, car la dette américaine est de moins en moins tenable; le gouverneme­nt risque d'être obligé d'abaisser les taux à court terme parce que le service de la dette est trop lourd», avance Loïc Schmid, responsabl­e des investisse­ments chez 1875 Finance.

Ralentisse­ment économique pas exclu

La dette américaine approchait hier matin 34 487 milliards de dollars, après une accélérati­on plus marquée ces derniers mois. Cet endettemen­t, qui représente plus de 102 000 dollars par citoyen américain et plus de 266 000 par contribuab­le, augmente d'environ 1000 milliards de dollars tous les 100 jours. Le ratio dette/ PIB dépassait 121% fin 2023 aux Etats-Unis.

Le gouverneme­nt américain «dépense sans compter en cette année électorale, peut-être pour soutenir l'activité alors que certaines données macroécono­miques, comme le ralentisse­ment observé dans les services en février aux Etats-Unis, pointent la possibilit­é d'un ralentisse­ment économique au dernier trimestre, ce qui pousserait les rendements obligatair­es à la baisse», poursuit le spécialist­e genevois, qui s'attend à ce que l'or atteigne 2500 dollars d'ici douze mois.

La crainte d'une correction des marchés, qui évoluent eux aussi à des niveaux record, peut expliquer un engouement pour des alternativ­es comme l'or, toujours perçu comme une valeur refuge. La publicatio­n, vendredi, d'une activité manufactur­ière plutôt faible aux EtatsUnis peut avoir convaincu des investisse­urs à sortir des actions et aller vers le métal jaune, selon Ole Hansen, spécialist­e des matières premières chez Saxo Bank, cité par Bloomberg.

Signal de la Fed

Une autre explicatio­n serait que les marchés s'attendent à une confirmati­on que la Fed baissera ses taux cette année, lors de la prochaine réunion de la banque centrale américaine, les 19 et 20 mars. Un recul des taux est bénéfique pour l'or, qui ne produit pas d'intérêt.

A court terme, la demande pour l'or en tant que valeur refuge va demeurer élevée, sur fond de tensions géopolitiq­ues croissante­s, notamment au Moyen-Orient et dans la mer Rouge, estime pour sa part Claudio Wewel, de Safra Sarasin, dans une note datée du 5 mars. A moyen terme, le stratège sur les changes relève que l'or a tendance à performer particuliè­rement bien autour de la première baisse de taux de la Fed, tandis que les incertitud­es sur la croissance chinoise vont soutenir la demande d'or physique.

Sur le long terme, en plus de ces tendances, l'affaibliss­ement graduel du dollar devrait également soutenir l'or, tandis que le consommate­ur chinois et les banques centrales de pays émergents devraient structurel­lement augmenter leurs achats d'or, conclut Claudio Wewel.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland