Macron poursuit son offensive sur la guerre en Ukraine
Le président français a reçu ses prédécesseurs et les dirigeants des partis en vue d’un débat parlementaire la semaine prochaine. Avec son soutien sans «aucune limite» à Kiev, il cherche à provoquer un «sursaut» en Europe mais aussi en France
Emmanuel Macron a décidé de hausser le ton sur l’Ukraine et il le rappelle chaque jour. Après les anciens présidents de la République François Hollande et Nicolas Sarkozy mercredi soir, l’actuel chef de l’Etat français a reçu hier les patrons des principaux partis parlementaires à l’Elysée dans un format solennel qu’il chérit depuis l’automne passé. L’idée était de préparer le débat suivi de vote à l’Assemblée prévu le 12 mars. Le débat parlementaire portera sur l’accord bilatéral de sécurité signé avec Volodymyr Zelensky. Mais le centre de toutes les prises de position se trouve surtout dans la petite phrase présidentielle du 26 février, affirmant que, même s’il n’y a pas de consensus occidental sur la question pour l’instant, il ne faut pas exclure l’envoi de troupes en Ukraine.
Ce qui se cache derrière le mot «troupes» a été clarifié par différents ministres dans les jours qui ont suivi. On ne parle pas de troupes combattantes mais de conseillers, d’experts, de démineurs ou de formateurs. Toujours est-il que la formule a provoqué énormément de réactions au sein de l’opposition française tout comme dans les chancelleries occidentales, toutes très réservées.
Ces derniers jours, Emmanuel Macron a tenu à affirmer qu’il assumait ses propos. Comme à Prague ce mardi: «Nous devons tous être conscients que cette guerre nous touche», a répondu le président français en conférence de presse.
«Nous devons être lucides, a-t-il continué. Cela fait deux ans que nous répétons que «la guerre revient sur le sol européen». […] C’est un sursaut stratégique auquel j’ai appelé et je l’assume.» En République tchèque, il a également déclaré que l’Europe abordait «un moment où il conviendra de ne pas être lâche».
«Lorsqu’on a vendu du matériel de guerre à la Russie, on s’abstient de porter des jugements» SÉBASTIEN CHENU, VICE-PRÉSIDENT DU RN À L’ASSEMBLÉE NATIONALE
«Aucune limite»
Le président de la République française, qui a promis de se rendre en Ukraine avant mi-mars, cherche donc à provoquer un «sursaut» chez ses voisins mais aussi en France. L’Elysée assume le fait que ces débats forcent chacun à se positionner, «clarifiant» ainsi les positions alors que «l’unanimité» sur le soutien à Kiev se fissure. «Un moment de vérité» notamment en vue des élections européennes. La porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot a affirmé mercredi que le RN n’était pas aligné sur la position de «refuser que Vladimir Poutine gagne». Hier, plusieurs des chefs de parti invités comme Jordan Bardella (Rassemblement national), Manuel Bompard (La France insoumise) ou Fabien Roussel (Parti communiste) ont affirmé qu’Emmanuel Macron leur avait confirmé qu’il n’y avait pour lui «aucune limite» au soutien français à l’Ukraine. Ce qu’ils ont dénoncé unanimement, exigeant des «lignes rouges» et refusant ces discours «va-t-en-guerre» qui inquiéteraient les Français.
Pendant ce temps à Moscou, on joue sur cette inquiétude. Emmanuel Macron «continue d’augmenter le niveau d’implication directe de la France» dans la guerre en Ukraine, a par exemple commenté, ce hier, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. Toujours est-il que l’éventuelle appréhension des Français et l’apparente unanimité des oppositions ne veulent pas nécessairement dire que le Rassemblement national a évité le piège.
Vice-président RN de l’Assemblée nationale, Sébastien Chenu, a ainsi déclaré sur TF1 hier matin que «la France sous Emmanuel Macron a livré du matériel de guerre à la Russie, des Mistral en 2017 qui probablement aujourd’hui sont utilisés pour faire la guerre en Ukraine». «Lorsqu’on a vendu du matériel de guerre à la Russie, on s’abstient de porter des jugements», en conclut cette personnalité du parti d’extrême droite. Des déclarations qui ont fait des vagues sur les réseaux sociaux.
Pour rappel, François Hollande avait effectivement annulé la vente de ces deux porte-hélicoptères finalement cédés à l’Egypte et qui n’ont donc jamais été livrés à la Russie.
Une rupture de contrat qui avait provoqué de vives protestations de la part de… Marine Le Pen. La proximité passée du RN avec la Russie s’en retrouve donc mise en lumière.
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