Après l’attaque de Zurich, un plan d’action national
ANTISÉMITISME Les mesures de lutte contre toutes formes de racisme sont insuffisantes, a jugé jeudi une majorité de la Chambre du peuple, qui demande au Conseil fédéral d’élaborer une stratégie nationale
Quelques jours après l’agression à Zurich d’un juif orthodoxe, le monde politique s’est mis au diapason pour demander de nouvelles mesures contre l’antisémitisme. C’était sans compter l’UDC, pour qui toute mesure est inutile tant que le «nouvel antisémitisme» n’est pas combattu, à savoir celui de la gauche et des étrangers, selon le conseiller national Andreas Glarner. Son argumentaire n’a pas convaincu la majorité de la Chambre du peuple: 125 élus ont voté en faveur d’un plan d’action national contre l’antisémitisme et le racisme, 48 contre, et 9 se sont abstenus. Seuls deux élus UDC se sont prononcés en faveur du texte: les Genevois Céline Amaudruz et Thomas Bläsi.
La motion, qui poursuivra son chemin au Conseil des Etats, demande l’élaboration d’une stratégie impliquant la Confédération, les cantons et les communes, selon les responsabilités de chacun. Elle permettra aussi de doter le Service fédéral de lutte contre le racisme de ressources supplémentaires. Actuellement composé de 3,8 équivalents temps plein (ETP), il gagnerait rapidement un poste et encore 1,6 ETP dès 2026.
Lors des débats de jeudi, l’agression de Zurich était dans les esprits de tous les élus. «L’acte violent et antisémite, commis par un adolescent de 15 ans radicalisé, nous a laissés bouche bée», a commencé Samira Marti. La coprésidente du groupe socialiste a rappelé que la communauté juive soutenait la motion, alors que Jonathan Kreutner, secrétaire général de la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI), suivait le débat depuis la tribune réservée au public.
Le chef du groupe PLR au parlement Damien Cottier, rapporteur du texte aux côtés de Samira Marti, a adressé un message de solidarité à la communauté juive de Zurich et de Suisse. Il a cité les chiffres de la Cicad (Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation): celle-ci a recensé 944 actes antisémites en 2023 en Suisse romande, soit 68% de plus par rapport à l’année précédente. «Ces actes se multiplient depuis les attentats du Hamas et la réaction israélienne qui cause une souffrance hors de proportion à Gaza», a-t-il souligné. La motion, issue de la Commission des institutions politiques, cible les points faibles du dispositif suisse actuel. «Une stratégie nationale assurera la cohérence et la complémentarité des actions nationales, cantonales et communales. Elle ne visera pas seulement l’antisémitisme mais toutes les formes de racisme», a défendu le Neuchâtelois Damien Cottier, qui juge les actions ponctuelles insuffisantes.
«Ces actes se multiplient depuis les attentats du Hamas et la réaction israélienne» DAMIEN COTTIER, CHEF DU GROUPE PLR AU CONSEIL NATIONAL
L’UDC s’oppose
Les arguments des élus socialiste et libéral-radical ont rencontré une vaste adhésion de tous, à l’exception de l’UDC. Le conseiller national Andreas Glarner, représentant de la minorité contre ce texte, a justifié sa position: «Tant que notre pays n’arrive pas à nommer le nouvel antisémitisme, ces actions sont vaines.» Selon l’élu de Glaris, «les antisémites actuels abordent des keffiehs palestiniens». Plus largement, le conseiller national s’en est pris au Parti socialiste, aux Vert·e·s et aux étrangers, demandant de renvoyer les personnes sans-papiers. «Il vaudrait mieux installer des barrières aux frontières plutôt que de se battre contre des antisémites», a jugé Andreas Glarner.
Elisabeth Baume Schneider, conseillère fédérale chargée du Département de l’intérieur, a peu apprécié les propos du conseiller national UDC: «Je me permets d’affirmer que l’antisémitisme vient de tous les milieux, personne ne peut se prévaloir de son absence dans ses rangs.» Venue défendre le soutien du Conseil fédéral à la motion, elle dit vouloir renforcer le travail de déconstruction des préjugés. Une nécessité, juge la ministre: «Le nombre de personnes relatant avoir été victimes de discrimination raciale en Suisse a presque doublé depuis 2010. Ce n’est pas un phénomène marginal, mais structurel. Nous devons tout faire pour que ce qui s’est passé à Zurich ne se reproduise pas.»
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