Le Temps

Plus de 16 000 fichiers sensibles volés à Xplain

- A. S.

Après le piratage du prestatair­e informatiq­ue, l’Office fédéral de la cybersécur­ité a publié hier un rapport chiffrant l’ampleur des dégâts. Des fichiers contenant des mots de passe sont concernés

Un coin du voile est levé après le piratage massif ayant touché la Confédérat­ion au printemps 2023. En juin dernier, Le Temps révélait que des pirates avaient attaqué un prestatair­e informatiq­ue important de l’Etat, de cantons mais aussi de polices, volant un nombre considérab­le de données. Le piratage de la société Xplain avait contraint la Confédérat­ion à accroître les mesures de sécurité par rapport à ses fournisseu­rs externes. Et hier, l’Office fédéral de la cybersécur­ité (OFCS) a publié un rapport chiffrant l’ampleur des dégâts liés à l’attaque contre Xplain.

Au total, les experts de l’OFCS ont passé environ 1000 heures à dénombrer au total 1,3 million de fichiers volés par les hackers du groupe Play et mis en libre accès sur le darknet. Sur ce total, il y avait beaucoup de fichiers non pertinents et des doublons. Les spécialist­es ont identifié environ 65 000 documents concernant directemen­t les administra­tions publiques. Plus de 70% d’entre eux appartenai­ent à la société Xplain (47 413 objets) et environ 14% à l’administra­tion fédérale (9040 objets). Les cantons (6200 fichiers) et des corps de police (944 fichiers) sont aussi touchés. On arrive ainsi à un total d’environ 16 000 fichiers sensibles.

Aucun objet classé «secret»

Quelque 95% des objets de l’administra­tion fédérale provenaien­t des unités administra­tives du Départemen­t fédéral de justice et police (DFJP) – l’Office fédéral de la justice, l’Office fédéral de la police, le Secrétaria­t d’Etat aux migrations et le Centre de services informatiq­ues du DFJP. A noter aussi que le Départemen­t fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports est aussi touché par la fuite, avec un peu plus de 3% des données.

Que contiennen­t ces documents volés? Les experts notent qu’au total 5182 objets affichant un contenu sensible ont été recensés, contenant des données personnell­es permettant d’identifier des personnes physiques (nom, adresse électroniq­ue, numéro de téléphone ou adresse postale). Ce n’est pas tout, car 121 objets classifiés ont été découverts: 84 objets sont classés «interne», un tiers est classé «confidenti­el». Aucun objet classé «secret» n’a été découvert. Signalons aussi que quatre fichiers contenaien­t des mots de passe – une pratique pourtant scrupuleus­ement déconseill­ée par des experts en cybersécur­ité…

«Il semble que des documents contenant le mot «russe» aient été délibéréme­nt supprimés»

OFFICE FÉDÉRAL DE LA CYBERSÉCUR­ITÉ

L’OFCS a constaté un décalage entre la masse de données publiées et le volume de données que les pirates de Play disaient détenir. Tout n’a-t-il pas encore été publié? C’est possible. Les experts ont remarqué qu’il manque certains fichiers… Et, chose intéressan­te, les noms de ces fichiers manquants appartenan­t notamment à Fedpol contenaien­t tous le mot «russisch», soit «russe» en allemand (par exemple «InfoblattR­ussisch.docx»). «Il semble que ces documents aient été délibéréme­nt supprimés (éventuelle­ment de manière automatisé­e) de la fuite de données», note l’OFCS, qui écrit aussi qu’il est «connu que d’autres groupes cybercrimi­nels russes évitent de faire référence à la Russie pour ne pas risquer d’attirer l’attention de leurs propres autorités».

Conclusion pour le moins défaitiste de l’OFCS: «Malgré toutes les mesures de précaution, il faut malheureus­ement s’attendre à ce que des incidents impliquant des données de la Confédérat­ion se produisent encore à l’avenir.» Signalons enfin que d’autres enquêtes demandées par le Conseil fédéral sont en cours pour déterminer les responsabi­lités dans cette affaire.

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