Le Temps

Lucas Braathen, désormais «do Brasil», revient dans la course

- LAURENT FAVRE ET LIONEL PITTET X @LaurentFav­re X @lionel_pittet

Retraité précoce cet automne en raison d’un conflit avec sa fédération, le Norvégien reprendra la compétitio­n la saison prochaine sous les couleurs du pays de sa mère, qui hérite subitement d’un des meilleurs skieurs du monde

Avec son franc sourire, son large pull vert pomme et ses longs cheveux bouclés dépassant de son bonnet, il fait penser à Gustavo «Guga» Kuerten, le triple vainqueur de Roland-Garros. Mais cette ressemblan­ce est peut-être suggérée par ce que l’on devine qu’il va dire. Hier à Salzbourg, au siège de son sponsor Red Bull, le skieur norvégien Lucas Braathen a confirmé qu’il reviendrai­t à la compétitio­n l’an prochain, mais sous les couleurs du Brésil, le pays de sa mère dont le nom apparaît désormais clairement dans sa nouvelle identité: Lucas Pinheiro Braathen.

D’une conférence de presse autrichien­ne à une autre, on comprend aujourd’hui le pourquoi de l’annonce, alors beaucoup plus surprenant­e, de sa retraite immédiate en octobre 2023 à la veille du début de la saison de Coupe du monde à Sölden. Le Cirque blanc perdait l’une de ses têtes d’affiche, vainqueur de sa première course de Coupe du monde à 20 ans, de son premier globe (celui du slalom) à 22 ans, quatrième du classement général à 23 ans… Il est probable que Lucas Braathen savait alors déjà qu’il voulait changer de nationalit­é sportive. L’annoncer à Sölden avait un double intérêt: obtenir une audience maximale (et l’homme n’a jamais détesté se singularis­er), mais aussi réaliser une saison totalement blanche et se mettre en conformité avec les règlements de la Fédération internatio­nale de ski (FIS), qui prévoient une période d’un an sans compétitio­n si la fédération d’origine s’oppose au «transfert».

Confusion entretenue

Mais la Fédération norvégienn­e n’a pas fait d’histoire et a laissé partir son ex-champion, lui permettant même de garder ses points FIS acquis en Coupe du monde, lesquels permettron­t à Lucas Pinheiro Braathen de tout de suite bénéficier de bons dossards dans ses épreuves de prédilecti­on, le géant et le slalom. Leurs relations n’ont pas toujours été aussi apaisées et un conflit sur l’exploitati­on de son droit d’image est à l’origine de la décision de l’athlète de s’affranchir de sa fédération et de voler de ses propres ailes. Ce n’est pas qu’une image car Lucas Pinheiro Braathen est l’un des athlètes de pointe de l’écurie Red Bull.

Beaucoup moins titré que Marco Odermatt, moins à l’aise que lui sur les courses de vitesse, il brille en revanche beaucoup plus que le Nidwaldien dans d’autres domaines qui font partie intégrante de l’univers Red Bull: la mode, la musique, le risque, le sport comme l’expression d’un mode de vie. Empêché par sa fédération de participer à une campagne publicitai­re pour une marque de vêtements concurrent­e du sponsor officiel de l’équipe nationale, Braathen avait mis en avant son mal-être et sa volonté de faire des choses qui lui plaisent vraiment pour justifier l’arrêt de sa carrière, à seulement 23 ans, l’automne dernier.

Très vite cependant, des rumeurs circulèren­t. Etait-il vraiment à la retraite? Allait-il revenir sous les couleurs du pays de sa mère, le Brésil? Allait-il bifurquer vers le Freeride World Tour, puisqu’il se filmait sautant du haut de falaises ou sur un trampoline? Lui-même entretenai­t la confusion en s’entraînant très sérieuseme­nt en janvier et février en Autriche, et alimentait les spéculatio­ns en postant régulièrem­ent sur les réseaux sociaux des publicatio­ns où des petites allusions de plus en plus nettes au Brésil se faisaient jour.

Le Brésil participe aux Jeux olympiques d’hiver depuis Albertvill­e 1992 seulement et n’y a remporté aucune médaille, brillant essentiell­ement par ses doubles nationaux, comme le descendeur Nikolai Hentsch (de la famille de banquiers genevois) à Turin en 2006. A Pékin en 2022, ce pays de 215 millions d’habitants n’avait que dix représenta­nts. Mais voilà qu’avec Lucas Pinheiro Braathen, le pays du futebol peut désormais rêver de devenir une puissance du ski alpin, comme l’avait fait en son temps le Luxembourg avec l’Autrichien Marc Girardelli.

Les temps ont changé et peu importe que le Brésil ne soit même pas un pays de tradition de sport d’hiver. Braathen entretient une équipe complète autour de lui et Red Bull, qui dispose d’une structure complète de soutien à la performanc­e et de moyens quasi illimités, est sa véritable fédération. Il portera simplement une combinaiso­n auriverde.■

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LUCAS BRAATHEN SKIEUR

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