L’Europe, la chance d’Ignazio Cassis
Le dossier des relations entre la Suisse et l’Union européenne (UE) entre dans une toute nouvelle phase. L’adoption du mandat de négociation définitif présenté par Ignazio Cassis doit être mise à son crédit. Paradoxalement, elle doit également amener le conseiller fédéral à changer de stratégie dans les semaines qui viennent s’il veut que le pays adhère à sa vision d’un avenir commun avec notre voisin si particulier.
Force est d’abord de constater que la tactique employée par le Tessinois jusqu’à aujourd’hui a fonctionné, après son échec de mai 2021. Depuis la décision par le Conseil fédéral de ne pas signer l’accord institutionnel pourtant âprement négocié avec l’Union européenne, Ignazio Cassis a su regagner la confiance des partenaires européens en laissant agir les diplomates. Les 11 rondes d’entretiens exploratoires et 46 discussions techniques menées par les hauts fonctionnaires ont permis de délimiter le périmètre des futures négociations. Elles se dérouleront donc dans un cadre qui est connu de toutes les parties prenantes en Suisse. Aucune ne pourra faire part de sa surprise. D’autant moins que le Conseil fédéral, dans un geste inédit, a rendu publiques les sept pages de texte du mandat.
Ce vendredi, le ministre PLR s’est présenté seul devant la presse. Le message subliminal du Conseil fédéral est de donner moins d’importance symbolique à l’officialisation du mandat qu’à l’annonce de son projet, dévoilé le 15 décembre dernier. Les réelles concessions de l’Union européenne qu’il contenait mettaient en valeur le travail dans les coulisses orchestré par Ignazio Cassis. L’officialisation du mandat met fin à cette étape. Au sein du Conseil fédéral, les soutiens du Tessinois doivent se montrer. Il est temps qu’ensemble ils transmettent la flamme qu’ils disent avoir pour ce dossier présenté comme crucial pour l’avenir de la Suisse.
Cette démonstration est rendue plus nécessaire encore depuis le dimanche 3 mars. La victoire des syndicats sur la 13e rente AVS a galvanisé Pierre-Yves Maillard, dont le scepticisme sur un accord avec l’Union européenne est notoire. Ce vote est une nouvelle démonstration du fait qu’avoir une majorité des partis et des acteurs politiques avec soi n’est pas un gage de succès pour le Conseil fédéral.
Alors que le gouvernement suisse avait face à lui durant longtemps un opposant qui tirait sa force de son combat anti-européen – l’UDC –, il en a désormais un deuxième qui sait se faire entendre par une part de la population qui dépasse largement son électorat naturel. Or, cette affaire se jouera en dernier lieu devant le peuple suisse. Ignazio Cassis et ses collègues doivent démontrer leur capacité de conviction en s’exprimant largement, rapidement et avec détermination. C’est la chance de leur vie de marquer positivement l’histoire du pays.
Le Conseil fédéral doit démontrer sa capacité de conviction