Le Temps

Joe Biden tente l’optimisme pour se relancer

- SIMON PETITE, MIAMI @simonpetit­e

«On ne peut pas aimer son pays seulement quand on gagne»

JOE BIDEN

Le président, qui brigue un second mandat malgré le scepticism­e de ses concitoyen­s, a délivré jeudi devant le Congrès américain un discours énergique sur l’état de l’Union et s’est posé comme un défenseur de la démocratie et des rares acquis sociaux du pays

Maintenant que son nouveau duel avec Donald Trump est certain, sauf imprévu, le président Joe Biden a prononcé jeudi soir un discours sur l’état de l’Union en forme de plaidoyer pour un second mandat malgré les doutes d’une majorité de la population, qui le juge trop âgé. A 81 ans, le vétéran de la politique américaine a délivré une prestation énergique devant le Congrès. Son discours a été accueilli par des applaudiss­ements nourris des élus démocrates, debout pour se rassurer sur leur candidat. De l’autre côté de la salle, les républicai­ns sont sans surprise restés vissés à leurs bancs. Ils ont parfois apostrophé l’orateur, en particulie­r sur l’immigratio­n, alors qu’ils l’accusent d’avoir ouvert la frontière avec le Mexique, provoquant un afflux sans précédent de migrants aux Etats-Unis.

Pas de cadeaux

L’opposante en cheffe était une nouvelle fois la représenta­nte de Géorgie Marjorie Taylor Greene. Arborant une casquette rouge du mouvement «Make America Great Again» de Donald Trump, elle a défié le président de prononcer le nom de Laken Riley, une étudiante de 22 ans, tuée fin février en Géorgie par un immigré sans papiers vénézuélie­n. Manifestem­ent préparé, le président n’a pas esquivé, mais écorché le nom de la défunte. Il a embrayé sur le rejet du compromis parlementa­ire le mois dernier qui aurait permis d’engager davantage de gardes-frontières et de juges pour réduire le temps d’examen des demandes d’asile. «C’est vrai», murmurait dans la salle le sénateur républicai­n James Lankford, qui avait patiemment négocié ce texte, finalement torpillé par Donald Trump.

Depuis cet échec, les médias américains spéculaien­t sur des annonces du président pour reprendre le contrôle de la frontière sans passer par le Congrès. Il n’en a rien été jeudi soir. Joe Biden préfère manifestem­ent rejeter le blâme sur les républicai­ns plutôt que de prendre le risque de fâcher son propre camp. «Nous venons tous de quelque part», a plaidé le président, descendant d’immigrants irlandais. «C’est l’Amérique», a-t-il dit, dénonçant les propos de Donald Trump, selon lequel, l’immigratio­n «empoisonne le sang américain».

En cette année électorale à couteaux tirés, le président n’obtiendra plus rien du Congrès. La Chambre des représenta­nts est aux mains des républicai­ns, de plus en plus alignés sur Donald Trump. Derrière Joe Biden, le speaker de la Chambre Mike Johnson, un fidèle du milliardai­re, affichait une moue narquoise quand le président a commencé son discours, réclamant une nouvelle fois la poursuite du soutien militaire à l’Ukraine bloqué par les parlementa­ires républicai­ns. «Poutine ne va pas s’arrêter à l’Ukraine», a mis en garde Joe Biden.

En commençant par l’Ukraine, le président a d’emblée voulu marquer le contraste avec Donald Trump, qui, a-t-il rappelé, a récemment encouragé la Russie à faire «ce qu’elle voulait». Durant son discours de plus d’une heure, le président a évoqué son «prédécesse­ur» treize fois, mais sans jamais le nommer. Joe Biden a défendu l’OTAN, «l’Alliance militaire la plus forte de l’Histoire». Il avait d’ailleurs invité à Washington le premier ministre suédois, Ulf Kristersso­n, dont le pays a rejoint l’organisati­on le jour même.

Un port pour soulager Gaza

Le président a appelé les Américains à défendre la démocratie à l’étranger mais aussi aux Etats-Unis, rappelant l’attaque du Congrès par des partisans de Donald Trump. «Des «insurrecti­onnistes» et pas des patriotes, a-t-il dénoncé. On ne peut pas aimer son pays seulement quand on gagne.» La démocratie est l’un des rares thèmes sur lequel Joe Biden est jugé plus crédible que Donald Trump, avec l’avortement. Si les démocrates regagnent le Congrès en novembre prochain, Joe Biden a promis de restaurer le droit à l’avortement au niveau fédéral, renversé par la Cour suprême en juin 2022. A Gaza, Joe Biden n’avait pas de cessezle-feu à annoncer, alors qu’une partie des démocrates réclament que Washington fasse davantage pression sur Israël pour mettre fin aux hostilités. Pour éviter une plus grande catastroph­e humanitair­e, Joe Biden a ordonné à l’armée américaine de construire un port temporaire pour acheminer davantage d’aide humanitair­e directemen­t dans la bande de Gaza.

Pour le reste, Joe Biden a vanté le rebond économique – avec 15 millions d’emplois créés et un taux de chômage historique­ment bas – mais dont les Américains ne sont toujours pas convaincus, en grande partie à cause de l’inflation. Il a aussi commencé à rappeler les manquement­s de l’administra­tion Trump, notamment contre le covid, leur rappelant que la pandémie avait coûté un million de vies. Le président s’est présenté comme un défenseur de la classe moyenne et des rares acquis sociaux américains, comme le système d’assurance maladie d’Obamacare. Il a misé sur l’optimisme. Enfin, il a ironisé sur son âge, soulignant qu’au début de sa longue carrière, on le trouvait trop jeune. C’est moins important que les «vieilles idées», a-t-il pointé, dénonçant la «rancoeur» et la «revanche» promises par Donald Trump s’il était de retour à la Maison-Blanche. Joe Biden est prêt à mener bataille. Son discours sur l’état de l’Union paraissait surtout adressé aux démocrates assaillis par le doute.

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