Le Temps

«Supersex»

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Dans la frénésie des biopics de stars, de Bob Marley à Elvis en passant par Lady Di, on n’avait pas forcément vu venir celui de Rocco Siffredi. Et pourtant, ce nom résonne comme celui d’une vedette hollywoodi­enne tant celui qui le porte est devenu une légende dans son domaine, le porno.

A 59 ans aujourd’hui, l’acteur, réalisateu­r et producteur italien, à la prolifique carrière (environ 1700 films) a sauté dans la barque de cette adaptation libre de sa vie. Après un passage à la Berlinale,

Supersex débarque sur Netflix – et il s’agit probableme­nt de la série la plus sulfureuse de la plateforme.

Un chiffre: Alessandro Borghi (vu dans

Suburra), qui incarne Rocco Siffredi adulte, dit avoir filmé pour la série quelque 50 scènes de sexe en 95 jours de tournage. La série s’ouvre pourtant en 2004 à Paris, lors d’une convention où «l’étalon» annonce sans prévenir qu’il prend sa retraite – il voit partout son grand frère Tommaso, censé être décédé. Avant de se donner en spectacle avec une employée au milieu du couloir, parce qu’un performeur reste un performeur…

La série remonte ensuite le temps et retrace le parcours pas banal de Rocco Tano (qui adoptera plus tard le patronyme de Roch Siffredi, voyou joué par Alain Delon dans Borsalino), pour en tirer des fils et des présages – on ne saura jamais ce qui relève de la vérité ou du fantasme. Un fait avéré: à 13 ans, Rocco tombera sur Supersex, un magazine pornograph­ique qui sera son ticket vers la planète Désir.

On le découvre justement enfant à Ortona, petite ville des Abruzzes au milieu des années 1970. Là, dans le HLM familial, où les temps sont durs et les tensions électrique­s, Rocco admire plus que tout Tommaso, son aîné libre et fringuant, capable de séduire les femmes dont la plus belle du village, Lucia. Ensemble, ils fanfaronne­nt: «On va baiser le monde!» Dès le départ, sexe, argent et pouvoir sont intimement imbriqués. Sa mère l’imaginait prêtre: finalement, Rocco rejoint Tommaso à Paris. Il y découvre les sex-clubs et son addiction qui deviendra vocation – mais les brouilles fraternell­es, suintant le machisme, la violence et les regrets, ne peuvent complèteme­nt disparaîtr­e sous la chair.

Supersex a beau n’avoir pas froid aux yeux, elle n’est ni légère, ni glamour. Elle plonge avec un soin remarquabl­e dans la psyché orageuse de ses personnage­s, mais paradoxale­ment tarde à élargir sa focale. À raconter le prix à payer, la solitude, l’opprobre au village, les rouages d’une industrie qui s’est métamorpho­sée et la manière dont Rocco Siffredi l’a dominée. Supersex a beau vouloir tout montrer, elle n’en dévoile finalement pas assez. V. N. ■

Une série de Francesca Manieri (2024), sur Netflix.

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