«La Peste»
Albert Camus émerge parfois, comme des îlots dans cette mer, à travers le personnage du docteur Rieux, quelques autres figures dont le journaliste Rambert, et ces fugaces évocations des passions humaines libérées, pour le meilleur ou le pire, par l’épidémie. Mais La Peste, montrée ces jours par France 2, se pose sans conteste comme une variation, dans une ville du sud en 2030.
Pourquoi pas? On prend un certain plaisir à suivre le toujours délicieux Frédéric Pierrot déambuler dans la cité écrasée de soleil et d’ordures – il y a grève des éboueurs, d’où le pullulement de rats –, lui qui tente de faire de son mieux pour «[ses] malades».
Le projet de Georges-Marc Benamou et Antoine Garceau a son originalité, même s’il manque de moyens pour illustrer avec assez d’ampleur ce qui est imaginé. Déjà cintrée par une mairie autoritaire, une télésurveillance constante et un chef de la police qui entretient sa milice personnelle, la ville sans nom se trouve confinée par la force, et même soumise à une délirante expérience d’épidémiologie sociale, si l’on peut dire.
Le feuilleton a sa patine, une facture à l’ancienne, des personnages parfois balourds comme le journaliste, des gros plans trop propres, des scènes d’action assez pataudes. Il raconte un futur avec des outils d’hier et cela en devient un charme; comme si la vieille fiction TV française se débattait à travers le bacille. La maladie tue et ronge la cité, toutefois, rien n’est vraiment terrible sous cette lumière toujours claire, trop éclatante.
Les auteurs corrigent la caricature de leurs personnages, par exemple celui de l’affreux maire qui veut sauver sa saison touristique – ça remonte aux Dents de la mer –, mais ces virages ne changent guère l’ambiance générale. Au fond,
La Peste amuse par les angoisses bien actuelles qu’elle raconte, la crainte de dérives autoritaires au pays de Jordan Bardella (et de Jean-Luc Mélenchon). Une série du covid, mais aussi des élections européennes et présidentielle à venir. N. Du. ■
Une mini-série de Georges-Marc Benamou et Antoine Garceau (2024). A voir sur France 2.