Seuls au monde, ou presque
Les héros de ces trois albums évoluent dans un paysage sibérien, une maison en construction ou encore le métro newyorkais
«Là où vit Youri, on ne s’installe pas. On y naît et on y vit, ou bien on s’enfuit.» «Là» désigne un point au bord du lac Baïkal, en Sibérie. La mère de Youri est morte en lui donnant vie, son père l’élève seul. Il est pêcheur et également chasseur de glace. Car pendant le long hiver, les robinets sont gelés et il faut fournir les maisons des villages en blocs de glace. Le travail, et par conséquent, les habitants se font de plus en plus rares. Youri a ainsi perdu son ami. Mais sur les rives du lac vit un peuple mongol, les Bouriates. Parmi eux, des enfants, dont une petite fille qui sourit à Youri. D’une grande délicatesse, le récit de Séraphine Menu alterne avec des planches documentaires sur les animaux et la faune, et de très belles illustrations à l’acrylique. Si les habitants quittent la région, nous, les lecteurs, partirions bien partager le quotidien de Youri et de son père.
Un petit garçon décide de faire une construction. Il annonce à ses parents qu’il va utiliser ses dominos. «Super mon chéri» lui disent-ils, scotchés à leur téléphone portable. Voici ce qui ressemble à une tour. «Bravo mon chéri», commentent les parents, le nez collé sur leur écran. Utilisant quantité d’objets – et même des ouvriers –, l’architecte en herbe élabore une maison bien plus fantaisiste que la sobre villa familiale, ainsi que le montrent les illustrations. Serre tropicale, jardin, toboggan qui dessert les étages, tout y est. Soudain retentit un «A table!». «Oh déjà», répond l’enfant. Vite, il faut ranger. Après la créativité et l’imagination, place à la réalité. On aime ce garçonnet plein de ressources, on aime cet album malin.
Comme chaque dimanche, Milo et sa grande soeur prennent un vieux métro new-yorkais pour un long trajet. Lui, fébrile et inquiet, observe les passagers. Puis, il les dessine dans son carnet et leur imagine une vie. Ici, un enfant de son âge bien habillé, bien coiffé, bien propre. Milo le dessine vivant dans un château. Les deux garçons se regardent. Milo se demande ce que les gens pensent de lui, ce qu’ils voient de sa vie. Arrivé à destination, il comprend que le garçon est descendu au même arrêt. Il est encore plus surpris quand il le voit passer le portique de sécurité et entrer dans la salle où se retrouvent les mamans incarcérées et leur famille. L’idée vient à Milo que peut-être on ne connaît pas quelqu’un en se basant sur son apparence physique. Puis, profitant de ces retrouvailles, il lui offre un dessin où mère, fille et fils sont réunis hors les murs. Jamais pesant, cet album poignant aux illustrations pleines de vie est une belle réflexion sur le pouvoir de l’imagination, du dessin et de la résilience. ■