Le Temps

Le CEO était fâché avec les chiffres

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Cinquante. Cinq cents. Cinq. Ce ne sont que des chiffres, mais ils peuvent avoir leur importance. Lors de la présentati­on de ses résultats, Lyft a précisé le 13 février que l’un de ses indicateur­s de marge bénéficiai­re allait progresser de 500 points de base en 2024. Soit 5%, un bond considérab­le lorsque l’on parle de marges. La publicatio­n de ce chiffre, à 16h05 précisémen­t le 13 février, a déclenché une frénésie d’achat sur l’action du site de réservatio­n de véhicules avec chauffeur. En une demi-heure, le titre a progressé de 67%. Avant de chuter presque aussi rapidement.

Pourquoi? A cause d’un simple zéro. Lyft prévoit en réalité que cette marge augmente de 50 points de base cette année, c’est-à-dire 0,5%. La responsabl­e des finances de la société californie­nne a corrigé cette erreur à 16h47, apportant la véritable prévision durant une discussion avec les analystes financiers qui suivent le titre Lyft.

Les marchés n’ont pas tardé à réagir. Après avoir augmenté de 3,2 milliards de dollars, la capitalisa­tion boursière a chuté de 2,9 milliards à la suite de la correction du fameux chiffre. Des investisse­urs exigent maintenant d’être dédommagés.

Bien sûr, tous les actionnair­es ne sont pas partie prenante à la plainte déposée contre Lyft mardi dernier en Californie. Seulement ceux qui avaient acheté l’action Lyft à des «prix gonflés» entre 16h05 et 16h51, le 13 février. Et qui n’ont pas vendu leur titre avant que le cours ne reparte vers le bas.

L’épisode les a certaineme­nt appauvris, mais il a aussi stimulé leur verve. «La fausse déclaratio­n était si évidente qu’elle allait au-delà de la simple négligence et équivalait à une indifféren­ce téméraire à l’égard de la vérité», peut-on lire dans la plainte, révélée par l’agence Reuters.

Un de leurs arguments est qu’après la correction apportée par la directrice des finances, à 16h47, Lyft a attendu ou mis sept minutes pour officielle­ment admettre son erreur. Le lendemain, le patron de l’entreprise a reconnu qu’il s’agissait d’une grossière erreur et qu’il en endossait la responsabi­lité.

Cela n’a pas suffi pour les actionnair­es regroupés dans cette plainte. Au contraire, ils estiment que le directeur général et la directrice financière étaient motivés à prendre leur temps pour rectifier ce fameux chiffre, de manière à gonfler leur bonus basé sur la performanc­e boursière de l’action. L’idée étant que plus le cours restait élevé longtemps, plus leur rémunérati­on variable augmentera­it.

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