Le Temps

Servette, bref leader de la Super League

La prise de pouvoir des Genevois, après une victoire 3-1 contre le Lausanne-Sport, n’aura duré que deux heures. Mais elle est hautement symbolique

- JULIEN PRALONG @julienpral­ong

Voir un amour renaître est un spectacle saisissant. Et c'est bien de cela qu'il s'agit entre le Servette FC et le public genevois. A 16h15 hier à la Praille, derby en poche contre le Lausanne-Sport (3-1), les joueurs font face à la tribune en tant que leaders provisoire­s de la Super League. Ils sautent, ils dansent, ils remercient. Le peuple grenat, lui, exulte. «Servette on fire!» hurle-t-il, au son de Freed from Desire de Gala, nouvel hymne des moments d'ivresse collective. Treize matchs disputés cette année, pour neuf victoires, trois nuls et une défaite: oui, l'équipe de René Weiler est en feu. Peutêtre comme certaines autres qui ont forgé le riche palmarès du club, et dont certaines gloires étaient présentes sur la pelouse avant le coup d'envoi pour célébrer la sortie du film Servette mon enfance d'Yves Matthey. Le SFC s'était oublié et perdu si longtemps, le voilà reconnecté à son histoire et à son public. Peut-être est-ce la plus belle des victoires, indépendam­ment du verdict final de cette saison et des trophées qui seront – ou ne seront pas – remportés.

Le contraste est alors vertigineu­x, entre un club qui se retrouve et un Lausanne-Sport n'étant plus qu'un poste parmi d'autres sur la grande chaîne de montage de l'usine Ineos. Le LS, avant-dernier du classement, existet-il encore pour lui-même ou le football business lui a-t-il définitive­ment volé son identité? Sept des 11 joueurs titularisé­s ont rejoint les rangs vaudois cette saison seulement; certains probableme­nt avec la tête ailleurs. Dur de construire ainsi.

Grenat revigorés

Ce sont pourtant les Lausannois, forts durant toute la rencontre d'un état d'esprit irréprocha­ble, qui ont allumé la mèche les premiers, à la 25e, sur une action de rupture devant beaucoup à Dussenne et Bernede, et conclue par Pafundi. Plus tranchants dans leurs courses, souvent vainqueurs des duels, les Vaudois semblaient en mesure de faire prévaloir leur état de fraîcheur. Rappelons que s'il s'agissait du 13e match de l'année pour les Servettien­s (qui en sont à quatre «semaines anglaises» consécutiv­es, série en cours), ce n'était «que» le huitième pour le LS.

Voilà le SFC reconnecté à son histoire et à son public

Toutefois, plutôt que de prendre l'ascendant, Lausanne a commencé de subir l'impact adverse de Grenat revigorés. Jusqu'à concéder un penalty pour une faute de Dabanli sur Antunes, que s'est chargé de transforme­r Nishimura à la 34e. Un 1-1 qui, tout au long de la seconde période, a semblé convenir à Ludovic Magnin et ses joueurs, dominés et donc d'abord soucieux de ne pas perdre, mais cherchant aussi à bondir sur certaines opportunit­és pour tenter de l'emporter.

Dans cette configurat­ion, la liste des occasions franches s'est logiquemen­t allongée côté genevois: Antunes (46e, 72e, 77e), Bronn et Ondoua sur la transversa­le (64e), Crivelli également (78e) ont tous eu le 2-1 à portée de pied ou de tête. C'est le dernier cité qui l'a obtenu, transforma­nt à la 82e un deuxième penalty accordé pour une faute de Roche sur Guillemeno­t. Et c'est le Français encore qui a frappé dans le temps additionne­l, pour hisser le Servette FC à la première place du classement avec deux points de plus que les Young Boys, cinq fois champions ces six dernières années. La prise de pouvoir n'allait durer que deux heures puisque les Bernois ont ensuite gagné 5-1 contre Bâle pour reprendre la tête (qu'ils occupent depuis la 16e journée) avec une longueur d'avance en clôture de cette 27e journée (sur 38). Mais ce chassé-croisé a existé, il a eu lieu, et la symbolique de la chose est tout sauf anodine.

«Nous avons bien joué durant trente minutes, Servette a été meilleur les soixante suivantes, cette victoire est méritée», commente sobrement et justement Ludovic Magnin. René Weiler, lui, se dit heureux au sortir de ce match difficile, comme ils le seront tous. «Toutes les parties sont serrées, il ne faut pas l'oublier. Alors cela ne sert à rien de regarder le classement.»

D'un naturel plus taquin devant les médias, Ludovic Magnin, après avoir sciemment glissé «lac Léman» au milieu de l'une de ses réponses et avec un clin d'oeil, a proposé ses services à son confrère. «Nous allons désormais préparer notre prochain match, contre Young Boys la semaine prochaine. On va essayer d'aider Servette…»

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