Le DDPS, «c’est un peu un avion sans pilote!»
Le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports, «c’est un peu un avion sans pilote» tranche le conseiller national de l’Union démocratique du centre (UDC) Jean-Luc Addor, «un pilote, il ne peut y en avoir qu’un. Il peut y avoir un pilote et un copilote, tout ce qu’on veut. Mais il y a un vieux principe militaire qu’on m’a appris, je pense, au tout début de l’école d’officiers, c’est un secteur, une mission, un chef, pas deux. »
La cheffe du département, Viola Amherd, et présidente de la Confédération en prend pour son grade: «Une des raisons de tout ce pataquès, c’est qu’elle a clairement manqué de leadership… Je suis déçu de ce que fait depuis quelque temps déjà Madame Amherd, et aussi de ce qu’elle ne fait pas.» Allusion à son engagement qu’il juge insuffisant pour l’augmentation des dépenses militaires, tout en saluant le franc-parler du chef de l’armée, Thomas Süssli. «Il y a des pays qui sont fauchés comme les blés, qui ont compris aujourd’hui que la sécurité, c’est quand même la préoccupation numéro un», souligne l’élu valaisan.
Plus d’argent, pour quelle menace? Jean-Luc Addor invoque «le retour d’une réalité qu’on croyait disparue à jamais: la possibilité d’un conflit entre armées régulières, avec des moyens conventionnels lourds, tout près de chez nous… Avec d’ailleurs, qui nous sépare de ce théâtre d’opérations, ce qu’on peut quand même qualifier d’une forme de vide stratégique ou de quasi-vide… Ce qui nous sépare, c’est l’Autriche, et puis la Hongrie qui a une armée quasiment en moignon. Ça fait quand même un petit peu souci.»
Il ajoute: «Je ne crois pas du tout à une invasion russe, je ne crois pas que ce soit l’objectif de Poutine.» Mais il se montre inquiet face aux déclarations du président français, Emmanuel Macron. Fin février, le locataire de l’Elysée brisait un tabou en n’excluant pas l’envoi de troupes occidentales sur sol ukrainien.
Plus que des troupes russes à Berne ou la menace dans le voisinage immédiat, Jean-Luc Addor craint des dynamiques qu’on ne maîtriserait plus: «… Si l’Europe s’embrase, si nous voulons préserver notre population des conséquences de la misère de la guerre qu’on voit tous les jours, c’est notre devoir, pour notre population, d’éviter de laisser un vide. »
Interrogé sur l’ambiguïté de l’UDC face à la Russie de Vladimir Poutine, avec notamment le refus de rencontrer le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, lors de son passage en Suisse en début d’année, Jean-Luc Addor brandit la neutralité: «C’est parce qu’on estime que ce n’est pas le rôle de la Suisse de prendre parti pour l’un ou pour l’autre des belligérants d’une guerre qui n’est pas la nôtre.» Plus généralement: «Etre neutre, c’est être ni d’un côté, ni de l’autre. Et puis entre deux, ce n’est pas facile. Mais on défend les intérêts de la Suisse et des Suisses, sur la durée.»
Et que dit notre invité sur une forme d’admiration pour Vladimir Poutine affichée parfois en Suisse, notamment chez certains membres de son parti? «Je suis Suisse. Je ne suis pas prorusse. Pourquoi est-ce que Poutine ne laisse pas indifférent? C’est peutêtre de l’enfumage… Mais toujours est-il qu’il se fait, et c’est aussi un élément de sa propagande, le porte-parole d’un certain nombre de valeurs qui sont les nôtres et qui furent les nôtres, celles de la civilisation occidentale… Voilà pourquoi parfois dans nos rangs, et pas seulement dans nos rangs d’ailleurs, il peut apparaître de cette manière-là.»
Il a aussi été question de l’attaque antisémite à motivation islamiste qui a eu lieu à Zurich début mars. Sur les causes et les remèdes, Jean-Luc Addor y voit avant tout un problème de «politique d’immigration laxiste» qui «est un facteur d’insécurité. On en voit une fois de plus la preuve. La même chose avec une politique de naturalisation laxiste… Je constate simplement que c’est le symptôme d’une intégration complètement ratée.»
Alors que les actes antisémites se multiplient, et qu’ils ne sont pas le seul fait de personnes étrangères, Jean-Luc Addor n’est pas convaincu par une stratégie nationale contre le racisme et l’antisémitisme, telle qu’adoptée par le Conseil national la semaine dernière: «Je ne crois pas à ces grandes campagnes à caractère un peu idéologique, moi je crois à autre chose, je crois à la connaissance et à l’enseignement de l’Histoire.»
Il ajoute: «Je comprends la réaction de la communauté israélite. Ce que j’aimerais dire à ses responsables, c’est que ce qui est en jeu, bien sûr, c’est la sécurité des juifs dans ce pays. Mais c’est la sécurité des Suisses» et des habitants de ce pays dans son ensemble. ■
«Ce n’est pas le rôle de la Suisse de prendre parti pour l’un ou pour l’autre des belligérants»
JEAN-LUC ADDOR