Emmanuel Macron dévoile sa vision de l’«aide à mourir»
Le projet de loi promis depuis la campagne présidentielle se veut restrictif. Car l’Elysée craint une fracture dans la société
Il ne veut pas que l’on parle de suicide assisté ou d’euthanasie. Emmanuel Macron a dévoilé dimanche soir les grandes lignes du projet de loi qui pourrait introduire en France ce qu’il préfère appeler l’«aide à mourir». Le texte pourrait être débattu au parlement dès la fin du mois de mai. Promesse de campagne, le travail sur cette nouvelle loi est en cours depuis le début du quinquennat en 2022.
Cette évolution du droit français sur la fin de vie, dont les premiers détails sont révélés dans une interview présidentielle donnée aux quotidiens La Croix et Libération, se fera avec une volonté d’encadrer très strictement les conditions d’accès. Cet «accompagnement» sera réservé aux personnes majeures. Les personnes concernées devront «être capables d’un discernement plein et entier, ce qui signifie que l’on exclut de cette aide à mourir les patients atteints de maladies psychiatriques ou de maladies neurodégénératives qui altèrent le discernement, comme alzheimer», affirme Emmanuel Macron. Une équipe médicale qui aura toujours le dernier mot sur tous ces aspects devra par ailleurs constater des souffrances physiques ou psychologiques «réfractaires, c’est-à-dire que l’on ne peut pas soulager».
Autre contrainte, il faudra «avoir une maladie incurable et un pronostic vital engagé à court ou à moyen terme», déclare le président. Si l’expression «moyen terme» reste à définir, cette limite devrait rendre impossible en France certains cas de suicides assistés suisses comme celui de Jean-Luc Godard qui avait beaucoup fait parler au début des débats sur ce texte. «Son pronostic vital n’était pas engagé et il ne souffrait pas d’une maladie incurable», nous explique effectivement Valérie Depadt, maître de conférences en droit privé spécialisée en biomédecine et membre de la mission de réflexion sur la fin de vie mise en place en son temps par François Hollande. «La France cadrera beaucoup dans un premier temps, estime Valérie Depadt.
Ce texte essaie de répondre à la question des gens atteints de maladies incurables qui font souffrir tous les jours un peu plus.» Emmanuel Macron prend effectivement comme exemple les malades d’un «cancer au stade terminal qui, pour certains, sont obligés d’aller à l’étranger pour être accompagnés».
Autre différence avec la Suisse, il n’est pour l’instant pas question de structures dédiées. «C’est également aux professionnels de santé, si l’aide à mourir est décidée, de définir, dans un dialogue avec le patient, les modalités de sa mise en oeuvre, explique Emmanuel Macron. Par exemple, de recommander la présence ou non d’un personnel médical ou le lieu plus approprié, étant entendu qu’aucun n’est exclu, domicile, Ehpad [équivalent français des EMS, ndlr] ou établissement de soins.» Pour Valérie Depadt, dans cette phrase, il n’est pas question de structures du type Exit ou Dignitas: «Pour l’instant, en France, on ne parle pas d’endroits où on irait mourir. Cela me paraîtrait un beaucoup trop grand pas d’institutionnaliser la démarche à travers des lieux où les gens iraient mettre fin à leurs jours.»
Par la personne ou un tiers
Autre différence avec la Suisse, il n’est pour l’instant pas question de structures dédiées
Pour ce qui est de l’acte lui-même, «l’administration de la substance létale» sera effectuée par la personne elle-même «ou, lorsque celle-ci n’est pas en mesure d’y procéder physiquement, à sa demande, soit par une personne volontaire qu’elle désigne lorsque aucune contrainte d’ordre technique n’y fait obstacle, soit par le médecin ou l’infirmier qui l’accompagne», précise Emmanuel Macron.
Un processus très cadré donc car le président marche sur des oeufs avec une France très sensible aux débats éthiques de ce type. «Emmanuel Macron veut un texte à la française, c’est pour cela qu’il ne veut pas que l’on parle de suicide assisté», pense par exemple Valérie Depadt. L’Elysée craint effectivement une fracture dans la société. La droite a d’ores et déjà fait savoir ses réserves. «Ce que propose Emmanuel Macron est bien une loi d’euthanasie», a par exemple tweeté dès dimanche Bruno Retailleau, chef des sénateurs Les Républicains (droite traditionnelle). Pour lui, «la vraie fraternité n’est pas de donner la mort mais de donner la main». ■