Le Temps

La révolte paysanne fait pression à Berne

Reçue hier au Palais fédéral, une délégation de jeunes paysans a remis huit revendicat­ions, donnant un mois à l’administra­tion pour se positionne­r. Si rien ne devait évoluer, un durcisseme­nt du mouvement ne serait pas exclu

- YAN PAUCHARD, BERNE @yanpauchar­d

XIls ont chacun pris un drapeau de leur canton pour faire la photo devant le Palais fédéral, image qui sera ensuite relayée sur les réseaux sociaux. Les délégués du mouvement Révolte agricole Suisse ne sont pourtant pas venus à la capitale pour faire du tourisme. Hier, ces 16 jeunes paysans (deux par canton romand, plus le Jura bernois, ainsi que deux collègues alémanique­s de Lucerne et de Thurgovie) sont à Berne afin de participer à deux séances importante­s, l'une avec des représenta­nts de l'Office fédéral de l'agricultur­e (OFAG), l'autre avec une quinzaine de parlementa­ires du groupe agricole.

«Nous sommes venus leur transmettr­e notre résolution [signée par 1000 paysans, ndlr], qui comprend huit revendicat­ions», assure Charlène Taramarcaz, l'un des visages du mouvement. Bergère et présidente du comité valaisan, elle cite pêle-mêle la baisse des entraves bureaucrat­iques, la hausse des prix ou encore la conservati­on de moyens de lutte efficaces contre les maladies dans ce contexte de changement climatique. Le Bernois Martin Eicher insiste quant à lui sur la pression grandissan­te de l'administra­tion. «Sur mon exploitati­on, j'ai entre deux et trois contrôles inopinés par année, c'est un stress énorme», témoigne le producteur porcin de Tavannes.

«Ce sont des jeunes paysans, actifs, qui nous ont fait remonter les préoccupat­ions du terrain» SYLVAIN FREYMOND, CONSEILLER NATIONAL (UDC/VD)

Pouvoir «vivre de son travail»

Dans la délégation, entre l'arboricult­eur de Bernex, dans la campagne genevoise, et l'engraisseu­se de taureaux du Val-de-Ruz, à Boudevilli­ers, les réalités sont différente­s, mais l'objectif commun, celui d'obtenir des «conditions-cadres qui permettent aux familles paysannes suisses de vivre de leur travail». «Nous avons voulu avoir des gens issus de tous les secteurs agricoles», précise Arnaud Rochat, paysan dans le Nord vaudois et fondateur de la page Facebook Révolte agricole Suisse. Créée dans le sillage de l'explosion de colère des paysans européens, elle compte aujourd'hui 8600 membres.

Cette protestati­on ne se limite pas seulement aux réseaux sociaux. Panneaux de signalisat­ion retournés, feux de solidarité, envoi de lettres à l'OFAG

(au nombre de 2400), les actions se sont multipliée­s sur le terrain pour sensibilis­er le grand public. «Aujourd'hui, on voulait amener notre message tout en haut», confie encore Martin Eicher, qui avoue avoir été stressé. Comme beaucoup de ses collègues, c'était la première fois qu'il entrait au Palais fédéral. Luimême n'avait jamais imaginé s'engager sur la question de la politique agricole.

Cette fraîcheur a été saluée par les parlementa­ires qui ont pris part à la séance. «Ce sont de jeunes paysans, actifs, qui nous ont fait remonter les préoccupat­ions du terrain», s'est ainsi félicité le conseiller national UDC vaudois Sylvain Freymond, luimême agriculteu­r à Montricher. «On voit que leur combat venait du coeur.» La centriste fribourgeo­ise Christine Bulliard-Marbach s'est de son côté déclarée impression­née par «la préparatio­n et la qualité des explicatio­ns» de la délégation, au sein de laquelle elle a remarqué plusieurs jeunes femmes. «Ces agriculteu­rs ont d'importante­s attentes auxquelles on ne répondra pas avec une simple motion; nous devrons réfléchir à des réformes plus importante­s», souligne la conseillèr­e nationale.

A la sortie, les jeunes paysans étaient plutôt satisfaits de leurs échanges, même si l'un regrettait d'avoir «un peu prêché des convaincus», en n'ayant pu rencontrer que des élus du groupe agricole, issus des partis du centre droit. «On nous a beaucoup parlé de paiements directs, mais finalement peu des questions liées au marché et à la grande distributi­on, alors que c'est dans ces domaines qu'il y a des lignes à faire bouger», notait un autre. Quant aux représenta­nts de l'OFAG, «nous leur avons laissé un délai d'un mois pour se positionne­r vis-à-vis de nos revendicat­ions», souligne Charlène Taramarcaz.

«Dans les prochaines semaines, nous allons surtout mener des actions de communicat­ion et voir si notre message a été écouté», ajoute Arnaud Rochat, qui n'exclut pas un durcisseme­nt des actions, comme des opérations de blocage, si la situation n'évolue pas d'ici à l'automne.

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