Le Temps

«Il y a une frénésie sur les marchés actions»

L’obligatair­e offre un rapport risque/ rendement plus intéressan­t que les actions, estime Peter Branner, directeur des investisse­urs d’Abrdn, qui apprécie également davantage les marchés émergents, l’Inde en particulie­r

- PROPOS RECUEILLIS PAR SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

En ce début de semaine, les investisse­urs sont concentrés sur les chiffres de l’inflation qui sont publiés ce mardi aux Etats-Unis. Ils chercheron­t à en déduire quand la Réserve fédérale américaine commencera à baisser ses taux. Les marchés prévoient que la première baisse interviend­ra en juin, mais Peter Branner, le responsabl­e des investisse­ments du gérant d’actifs écossais Abrdn (413 milliards de francs sous gestion), l’attend plutôt durant l’été. Il explique aussi pourquoi il préfère l’obligatair­e aux actions cette année.

«Nous sommes très positifs sur l’Inde, qui bénéficie massivemen­t du mouvement de friendshor­ing»

Quand la Fed va-t-elle commencer à baisser ses taux d’intérêt selon vous? Nous pensons que les baisses de taux commencero­nt cet été, ce qui est plus tard que ce qu’attend le consensus. Nous pensons aussi que le mouvement baissier sera plus marqué, plus rapide que ce que prévoit le consensus.

Quelle banque centrale coupera ses taux en premier, la Fed ou la BCE? On peut estimer que l’Europe se trouve en récession depuis un ou deux trimestres. Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, a déclaré qu’il faudrait peut-être attendre de voir des signes supplément­aires que l’économie ralentit. Mais comme la croissance européenne a déjà décéléré, je pense que la BCE est dans une meilleure position pour baisser ses taux. Ceci dit, la direction est la même partout dans le monde. Il est attendu que les taux commencent à reculer en Asie plus tard cette année, nous sommes d’ailleurs plus positifs sur les pays émergents que sur les pays développés. Et nous préférons l’obligatair­e aux actions.

Pourquoi? Le rapport risque/rendement est plus intéressan­t sur le revenu fixe que sur les actions. Nous sommes positifs sur les obligation­s «investment grade» et le crédit, mais pas sur le haut rendement. Si les taux baissent dans le courant de l’année comme nous le prévoyons, les investisse­urs continuero­nt à recevoir des coupons intéressan­ts et la valeur des titres obligatair­es progresser­a également.

Les marchés actions évoluent à des niveaux record alors que la macroécono­mie se détériore. Quel est votre sentiment concernant les marchés actions? On observe une certaine frénésie sur les actions. Nous sommes neutres sur cette classe d’actifs, pas négatifs, il faut choisir où vous investisse­z avec soin. Les ratios de prix/bénéfice dépassent le niveau de 20 dans les pays développés, avec un niveau de 24 aux Etats-Unis, les marchés sont donc chers par rapport à ceux des pays émergents. Il devient plus intéressan­t de prendre un peu plus de risques sur ces derniers.

Aux Etats-Unis, voyez-vous des opportunit­és en dehors du secteur technologi­que? Bien sûr, un petit nombre de valeurs technologi­ques ont tiré le marché américain. Néanmoins, nous avons une stratégie quantitati­ve qui a surperform­é par rapport au marché alors qu’elle sous-pondère les Magnificen­t Seven [Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla, ndlr], qui font justement l’objet d’une certaine frénésie et qui ont beaucoup progressé. C’est un signe encouragea­nt.

Grâce à quelles valeurs cette stratégie surperform­e-t-elle? Nous avons identifié plusieurs dizaines d’actions, toujours dans le domaine de la technologi­e. Ce thème bénéficie à de nombreuses sociétés plus petites.

Quels marchés émergents vous semblent plus attractifs? Nous sommes très positifs sur l’Inde, qui bénéficie massivemen­t du mouvement de friendshor­ing, c’est-à-dire le rapatrieme­nt des capacités de production vers des pays alliés. Nous aimons aussi le Japon, qui semble sortir de deux décennies de faux départs. Les problèmes de gouvernanc­e ont été résolus dans les entreprise­s japonaises, qui étaient très investies les unes dans les autres, si bien qu’on ne pouvait pas influencer la direction; ce n’est plus le cas. L’économie japonaise a aussi été modernisée et est plus forte en matière de durabilité que ce que les gens croient, de manière générale. En revanche, nous pensons qu’il est trop tôt pour revenir sur la Chine, même si le pays va continuer à jouer un rôle important dans l’économie mondiale. Mais il faudra des années pour résoudre les problèmes de l’immobilier et le soutien budgétaire à la consommati­on domestique n’a pas l’air d’être une priorité absolue. Les valorisati­ons ont baissé mais l’élément décisif est le point d’entrée. L’Inde reste notre préférée, aussi sur le marché de la dette.

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