«Il y a une frénésie sur les marchés actions»
L’obligataire offre un rapport risque/ rendement plus intéressant que les actions, estime Peter Branner, directeur des investisseurs d’Abrdn, qui apprécie également davantage les marchés émergents, l’Inde en particulier
En ce début de semaine, les investisseurs sont concentrés sur les chiffres de l’inflation qui sont publiés ce mardi aux Etats-Unis. Ils chercheront à en déduire quand la Réserve fédérale américaine commencera à baisser ses taux. Les marchés prévoient que la première baisse interviendra en juin, mais Peter Branner, le responsable des investissements du gérant d’actifs écossais Abrdn (413 milliards de francs sous gestion), l’attend plutôt durant l’été. Il explique aussi pourquoi il préfère l’obligataire aux actions cette année.
«Nous sommes très positifs sur l’Inde, qui bénéficie massivement du mouvement de friendshoring»
Quand la Fed va-t-elle commencer à baisser ses taux d’intérêt selon vous? Nous pensons que les baisses de taux commenceront cet été, ce qui est plus tard que ce qu’attend le consensus. Nous pensons aussi que le mouvement baissier sera plus marqué, plus rapide que ce que prévoit le consensus.
Quelle banque centrale coupera ses taux en premier, la Fed ou la BCE? On peut estimer que l’Europe se trouve en récession depuis un ou deux trimestres. Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, a déclaré qu’il faudrait peut-être attendre de voir des signes supplémentaires que l’économie ralentit. Mais comme la croissance européenne a déjà décéléré, je pense que la BCE est dans une meilleure position pour baisser ses taux. Ceci dit, la direction est la même partout dans le monde. Il est attendu que les taux commencent à reculer en Asie plus tard cette année, nous sommes d’ailleurs plus positifs sur les pays émergents que sur les pays développés. Et nous préférons l’obligataire aux actions.
Pourquoi? Le rapport risque/rendement est plus intéressant sur le revenu fixe que sur les actions. Nous sommes positifs sur les obligations «investment grade» et le crédit, mais pas sur le haut rendement. Si les taux baissent dans le courant de l’année comme nous le prévoyons, les investisseurs continueront à recevoir des coupons intéressants et la valeur des titres obligataires progressera également.
Les marchés actions évoluent à des niveaux record alors que la macroéconomie se détériore. Quel est votre sentiment concernant les marchés actions? On observe une certaine frénésie sur les actions. Nous sommes neutres sur cette classe d’actifs, pas négatifs, il faut choisir où vous investissez avec soin. Les ratios de prix/bénéfice dépassent le niveau de 20 dans les pays développés, avec un niveau de 24 aux Etats-Unis, les marchés sont donc chers par rapport à ceux des pays émergents. Il devient plus intéressant de prendre un peu plus de risques sur ces derniers.
Aux Etats-Unis, voyez-vous des opportunités en dehors du secteur technologique? Bien sûr, un petit nombre de valeurs technologiques ont tiré le marché américain. Néanmoins, nous avons une stratégie quantitative qui a surperformé par rapport au marché alors qu’elle sous-pondère les Magnificent Seven [Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla, ndlr], qui font justement l’objet d’une certaine frénésie et qui ont beaucoup progressé. C’est un signe encourageant.
Grâce à quelles valeurs cette stratégie surperforme-t-elle? Nous avons identifié plusieurs dizaines d’actions, toujours dans le domaine de la technologie. Ce thème bénéficie à de nombreuses sociétés plus petites.
Quels marchés émergents vous semblent plus attractifs? Nous sommes très positifs sur l’Inde, qui bénéficie massivement du mouvement de friendshoring, c’est-à-dire le rapatriement des capacités de production vers des pays alliés. Nous aimons aussi le Japon, qui semble sortir de deux décennies de faux départs. Les problèmes de gouvernance ont été résolus dans les entreprises japonaises, qui étaient très investies les unes dans les autres, si bien qu’on ne pouvait pas influencer la direction; ce n’est plus le cas. L’économie japonaise a aussi été modernisée et est plus forte en matière de durabilité que ce que les gens croient, de manière générale. En revanche, nous pensons qu’il est trop tôt pour revenir sur la Chine, même si le pays va continuer à jouer un rôle important dans l’économie mondiale. Mais il faudra des années pour résoudre les problèmes de l’immobilier et le soutien budgétaire à la consommation domestique n’a pas l’air d’être une priorité absolue. Les valorisations ont baissé mais l’élément décisif est le point d’entrée. L’Inde reste notre préférée, aussi sur le marché de la dette.
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