Nouvelles tensions à André-Chavanne
Il y a dix jours, des lettres critiquant la directrice et sa gestion de l’établissement secondaire ont été placardées dans la salle des maîtres. La direction générale condamne fermement ces actes et lui réitère sa confiance
«Un petit groupe d’enseignants veut la tête de la directrice, ils sont prêts à tout pour la faire craquer.» Emanant d’une prof atterrée, ce témoignage traduit l’ampleur des tensions qui règnent au sein du Collège et Ecole de commerce André-Chavanne, à Genève.
Deux mois et demi après avoir été visée par des tags racistes pour lesquels une enquête pénale est toujours en cours, la directrice Joyce Mallet a été la cible de nouvelles attaques. Ces dix derniers jours, deux lettres critiquant sa gestion de l’établissement ont été imprimées en plusieurs dizaines d’exemplaires et placardées dans la salle des maîtres, jusque sur la porte des toilettes du personnel.
Adressés au Département de l’instruction publique (DIP), ces courriers ont été rédigés par un ancien doyen et une enseignante à la retraite qui n’ont jamais travaillé avec Joyce Mallet, arrivée en 2022 à la tête de l’établissement. Disposant visiblement de relais à l’interne, ils s’inquiètent de la manière dont leur ancienne école est gérée. Dénonçant une «politique verticale qui veut arbitrairement sortir les maîtres de leur zone de confort», la première missive évoque une «école en crise qui perd son identité», des maîtres qui «ont perdu confiance et motivation» et cherchent à «quitter l’école au plus vite».
Les critiques rejoignent celles exprimées en marge de l’affaire des tags cet hiver: des «horaires absurdes», des «activités culturelles supprimées» ou encore des décharges d’heures de cours «diminuées ou supprimées de manière inexplicable». Le second courrier se base sur un «vieux dicton français, il n’y a pas de fumée sans feu» et de «nombreux contacts avec des ex-collègues», pour estimer qu’il y a bien des «problèmes avec la nouvelle direction».
«Elle n’est ni sous tutelle, ni sous surveillance»
Face à ce qui s’apparente à une campagne de dénigrement, la direction générale hausse le ton. «Non seulement les reproches formulés dans ces courriers sont infondés, mais le fait de les diffuser à large échelle au sein d’un établissement est inadmissible», prévient Gilles Thorel, directeur général de l’enseignement secondaire II (ESII), précisant que des suites administratives sont attendues contre les personnes impliquées dans la diffusion des courriers. Selon nos informations, des plaintes pénales ont déjà été déposées.
En l’état, la directrice bénéficie du plein soutien de la direction générale, mais aussi des doyens qui forment avec elle le comité de direction. «Nous sommes en contact régulier avec elle pour la soutenir humainement durant cette période difficile, mais elle n’est ni sous tutelle ni sous surveillance», précise Mehrshad Ghaffary, directeur des ressources humaines de l’ESII, soulignant qu’aucun indicateur chiffré n’accrédite la thèse d’un management autoritaire. Le taux d’absentéisme entre mars 2023 et février 2024 était de 4,5% à André-Chavanne, alors que la moyenne de l’ESII est de 4,93%. Le taux de mobilité à la rentrée 2024, soit les demandes de changement d’établissement, est quant à lui de 4,2%, contre 5,8% au sein de l’ESII. Enfin, cinq départs sont annoncés pour la fin de l’année, dont quatre retraites et une retraite anticipée.
Si Joyce Mallet donne entière satisfaction à sa hiérarchie, des pistes d’amélioration demeurent, notamment au niveau organisationnel. «Joyce Mallet en est consciente et se montre ouverte à la discussion», salue Gilles Thorel.
Des réunions «constructives» ont notamment eu lieu avec l’Association des enseignants d’André-Chavanne pour discuter des modalités de la rentrée 2024. La direction générale veut croire que cela contribuera à apaiser la situation. «Sur les 229 enseignants d’André-Chavanne, l’immense majorité souhaite retrouver un climat de travail serein», souligne Gilles Thorel.
A l’interne, la situation reste toutefois tendue. Une enseignante raconte avoir arrêté de fréquenter la salle des maîtres tant l’ambiance y est toxique. «Ce n’est que médisances et méchancetés», déplore-t-elle, craignant des représailles si elle dévoile son identité. Une autre dénonce l’acharnement et le harcèlement que subit injustement Joyce Mallet, qui «accomplit pourtant sa mission avec rigueur et professionnalisme».
Signe du malaise ambiant, la soirée prévue le 3 mai prochain pour fêter les 30 ans de l’établissement avec les anciens collaborateurs a été annulée. Seule une après-midi festive avec les élèves et les collaborateurs actuels est prévue le même jour. «Il ne semble pas approprié d’ouvrir la porte aux personnes extérieures à l’établissement dans ce contexte délétère et inconfortable pour tous», a précisé le comité d’organisation, composé d’enseignants, pour justifier sa décision.
Du côté des syndicats, on regrette cette annulation. «Suffisamment d’éléments ont été portés à la connaissance de la direction générale et des ressources humaines. Nous attendons donc qu’elles agissent afin de rétablir un climat de travail serein», plaide Waël Almoman, membre du bureau de l’Union du corps enseignant secondaire genevois.
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«Diffuser ces reproches à large échelle au sein d’un établissement est inadmissible» GILLES THOREL, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE II
Une enseignante raconte avoir arrêté de fréquenter la salle des maîtres tant l’ambiance y est toxique