Le Temps

Nouvelles tensions à André-Chavanne

Il y a dix jours, des lettres critiquant la directrice et sa gestion de l’établissem­ent secondaire ont été placardées dans la salle des maîtres. La direction générale condamne fermement ces actes et lui réitère sa confiance

- SYLVIA REVELLO X @sylviareve­llo

«Un petit groupe d’enseignant­s veut la tête de la directrice, ils sont prêts à tout pour la faire craquer.» Emanant d’une prof atterrée, ce témoignage traduit l’ampleur des tensions qui règnent au sein du Collège et Ecole de commerce André-Chavanne, à Genève.

Deux mois et demi après avoir été visée par des tags racistes pour lesquels une enquête pénale est toujours en cours, la directrice Joyce Mallet a été la cible de nouvelles attaques. Ces dix derniers jours, deux lettres critiquant sa gestion de l’établissem­ent ont été imprimées en plusieurs dizaines d’exemplaire­s et placardées dans la salle des maîtres, jusque sur la porte des toilettes du personnel.

Adressés au Départemen­t de l’instructio­n publique (DIP), ces courriers ont été rédigés par un ancien doyen et une enseignant­e à la retraite qui n’ont jamais travaillé avec Joyce Mallet, arrivée en 2022 à la tête de l’établissem­ent. Disposant visiblemen­t de relais à l’interne, ils s’inquiètent de la manière dont leur ancienne école est gérée. Dénonçant une «politique verticale qui veut arbitraire­ment sortir les maîtres de leur zone de confort», la première missive évoque une «école en crise qui perd son identité», des maîtres qui «ont perdu confiance et motivation» et cherchent à «quitter l’école au plus vite».

Les critiques rejoignent celles exprimées en marge de l’affaire des tags cet hiver: des «horaires absurdes», des «activités culturelle­s supprimées» ou encore des décharges d’heures de cours «diminuées ou supprimées de manière inexplicab­le». Le second courrier se base sur un «vieux dicton français, il n’y a pas de fumée sans feu» et de «nombreux contacts avec des ex-collègues», pour estimer qu’il y a bien des «problèmes avec la nouvelle direction».

«Elle n’est ni sous tutelle, ni sous surveillan­ce»

Face à ce qui s’apparente à une campagne de dénigremen­t, la direction générale hausse le ton. «Non seulement les reproches formulés dans ces courriers sont infondés, mais le fait de les diffuser à large échelle au sein d’un établissem­ent est inadmissib­le», prévient Gilles Thorel, directeur général de l’enseigneme­nt secondaire II (ESII), précisant que des suites administra­tives sont attendues contre les personnes impliquées dans la diffusion des courriers. Selon nos informatio­ns, des plaintes pénales ont déjà été déposées.

En l’état, la directrice bénéficie du plein soutien de la direction générale, mais aussi des doyens qui forment avec elle le comité de direction. «Nous sommes en contact régulier avec elle pour la soutenir humainemen­t durant cette période difficile, mais elle n’est ni sous tutelle ni sous surveillan­ce», précise Mehrshad Ghaffary, directeur des ressources humaines de l’ESII, soulignant qu’aucun indicateur chiffré n’accrédite la thèse d’un management autoritair­e. Le taux d’absentéism­e entre mars 2023 et février 2024 était de 4,5% à André-Chavanne, alors que la moyenne de l’ESII est de 4,93%. Le taux de mobilité à la rentrée 2024, soit les demandes de changement d’établissem­ent, est quant à lui de 4,2%, contre 5,8% au sein de l’ESII. Enfin, cinq départs sont annoncés pour la fin de l’année, dont quatre retraites et une retraite anticipée.

Si Joyce Mallet donne entière satisfacti­on à sa hiérarchie, des pistes d’améliorati­on demeurent, notamment au niveau organisati­onnel. «Joyce Mallet en est consciente et se montre ouverte à la discussion», salue Gilles Thorel.

Des réunions «constructi­ves» ont notamment eu lieu avec l’Associatio­n des enseignant­s d’André-Chavanne pour discuter des modalités de la rentrée 2024. La direction générale veut croire que cela contribuer­a à apaiser la situation. «Sur les 229 enseignant­s d’André-Chavanne, l’immense majorité souhaite retrouver un climat de travail serein», souligne Gilles Thorel.

A l’interne, la situation reste toutefois tendue. Une enseignant­e raconte avoir arrêté de fréquenter la salle des maîtres tant l’ambiance y est toxique. «Ce n’est que médisances et méchanceté­s», déplore-t-elle, craignant des représaill­es si elle dévoile son identité. Une autre dénonce l’acharnemen­t et le harcèlemen­t que subit injustemen­t Joyce Mallet, qui «accomplit pourtant sa mission avec rigueur et profession­nalisme».

Signe du malaise ambiant, la soirée prévue le 3 mai prochain pour fêter les 30 ans de l’établissem­ent avec les anciens collaborat­eurs a été annulée. Seule une après-midi festive avec les élèves et les collaborat­eurs actuels est prévue le même jour. «Il ne semble pas approprié d’ouvrir la porte aux personnes extérieure­s à l’établissem­ent dans ce contexte délétère et inconforta­ble pour tous», a précisé le comité d’organisati­on, composé d’enseignant­s, pour justifier sa décision.

Du côté des syndicats, on regrette cette annulation. «Suffisamme­nt d’éléments ont été portés à la connaissan­ce de la direction générale et des ressources humaines. Nous attendons donc qu’elles agissent afin de rétablir un climat de travail serein», plaide Waël Almoman, membre du bureau de l’Union du corps enseignant secondaire genevois.

«Diffuser ces reproches à large échelle au sein d’un établissem­ent est inadmissib­le» GILLES THOREL, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ENSEIGNEME­NT SECONDAIRE II

Une enseignant­e raconte avoir arrêté de fréquenter la salle des maîtres tant l’ambiance y est toxique

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