Le Temps

La Fondation Hans Wilsdorf se lance dans la mobilité pour agir «face au climat»

L’entité qui récolte les bénéfices de Rolex veut aider les collectivi­tés publiques à «démotorise­r» Genève en promouvant des «modes de déplacemen­t respectueu­x de l’environnem­ent», ceci par le biais d’une nouvelle fondation

- MARC GUÉNIAT

Les ambitions de la Fondation Hans Wilsdorf semblent illimitées. Injectant des centaines de millions de francs par année à Genève dans la formation, la culture, le social, le sport ainsi que dans la presse, puisqu’elle compte parmi les trois entités qui financent la Fondation Aventinus, propriétai­re du Temps, la voilà qui investit le champ de la mobilité.

A cette fin, elle a créé en juillet dernier la Fondation Modus qui entend promouvoir «des solutions de mobilité durable dans le canton», en particulie­r des «modes de déplacemen­t respectueu­x de l’environnem­ent, ayant une faible empreinte carbone», d’après ses statuts.

Dans l’univers polarisé de la politique genevoise, un tel programme revient de fait à se placer sur la gauche de l’échiquier, ou du moins à s’opposer aux partis qui réclament une autoroute à six voies et une traversée du lac, et qui recourent contre les pistes cyclables. Est-ce là son intention? Loin de là. «Nous n’avons aucun objectif partisan. Notre démarche consiste simplement à concourir à la réalisatio­n de politiques publiques élaborées par les autorités élues», explique Marc Maugué, qui dirige le secrétaria­t général de la Fondation Hans Wilsdorf, laquelle récolte les bénéfices de Rolex.

«Combler les trous de la raquette»

C’est par le biais de son pôle «animaux et écosystème­s» que le conseil de fondation a souhaité agir localement face à la «crise climatique». «La mobilité est le terrain logique», poursuit-il, car il conjugue le but environnem­ental et de santé publique. «Genève dispose de très bonnes infrastruc­tures, fait valoir Guillaume Drevon, qui dirige

Modus et son équipe de cinq spécialist­es. Si l’on veut atteindre l’objectif de réduction de 80% des émissions provenant du transport individuel motorisé d’ici à 2050, c’est sur les comporteme­nts qu’il faut agir.» En «comblant les trous de la raquette», et notamment en recherchan­t la meilleure manière de parcourir ce fameux dernier kilomètre qui sépare les individus de leur domicile et de leur travail. Ou en trouvant des solutions à la mobilité des frontalier­s. Pour être ce «catalyseur du report modal», qui conduira les Genevois à renoncer à leur voiture au profit des transports publics, du vélo ou de la marche, Modus souhaite notamment mettre en commun les savoirs et les expérience­s, évaluer ce qui fonctionne ou pas, ainsi que les possibilit­és de réplicatio­n.

Du réseautage donc, à travers des afterworks thématique­s, mais aussi une grande bibliothèq­ue en libre accès rassemblan­t ces connaissan­ces académique­s et pratiques.

Une durée de vie courte, des projets qui «iront vite»

La fondation va d’ailleurs lancer en avril, avec un rendu prévu en juin, une vaste enquête sur la mobilité dans le Grand Genève, en sondant 5000 personnes dans la région des deux côtés de la frontière pour savoir à quelles conditions elles seraient prêtes à renoncer à leur voiture. Ceci en vue de produire des faits, de lutter contre les idées reçues et de nourrir le débat.

Un élément essentiel de sa philosophi­e réside dans l’expériment­ation, à la façon d’un laboratoir­e. Comme inciter les employés d’un groupe industriel à se rendre à vélo au travail ou explorer des systèmes de partage de véhicule. C’est justement ce que ne peuvent pas faire les collectivi­tés publiques, dont le budget n’est pas prévu pour ce type de démarche.

«Les acteurs de la transition des mobilités à Genève ont une marge de manoeuvre relativeme­nt limitée en matière d’innovation», souligne Guillaume Drevon. Une quarantain­e de projets lui sont déjà parvenus. Pour que l’ensemble reste cohérent, Modus a constitué un conseil scientifiq­ue comprenant notamment Vincent Kaufmann, le professeur de sociologie urbaine et d’analyse des mobilités de l’EPFL, ainsi qu’Yves Delacrétaz, professeur à l’Institut vaudois d’ingénierie du territoire et ancien directeur général de la mobilité à Genève. Sa dotation initiale est de 10 millions de francs, avec la possibilit­é de réinjecter des fonds si nécessaire.

Cela étant, cette entité ad hoc n’entend pas s’éterniser dans le paysage, sa durée de vie prévue étant limitée à douze ans. Cet horizon n’est-il pas trop court, dans un domaine où les projets mettent des années, voire des décennies à se concrétise­r? «Nous voulons aller vite», conclut Marc Maugué.

Au Départemen­t de la santé et des mobilités, chapeauté par Pierre Maudet, on se réjouit de la création de cette fondation, qui permettra de porter des «projets innovants» et de «servir d’accélérate­ur à des projets tests», charge ensuite au canton d’en reprendre le financemen­t. Il dit avoir été «associé aux réflexions en amont», afin d’identifier les projets pouvant susciter une collaborat­ion sous forme de partenaria­t public-privé.

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