Le Temps

Un procès se dessine pour Rifaat al-Assad

Le parquet fédéral a renvoyé l’ex-président syrien, oncle de Bachar al-Assad, en jugement pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Le prévenu qui a peu de chance de montrer le bout de son nez pourrait être jugé par défaut

- LE TEMPS AVEC L’ATS

L’ancien vice-président syrien Rifaat al-Assad sera jugé par le Tribunal pénal fédéral pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Le Ministère public de la Confédérat­ion (MPC) a décidé lundi de le renvoyer en jugement. L’ONG Trial salue «une décision historique».

L’acte d’accusation se fonde sur des faits qui se sont déroulés en février 1982 dans la ville de Hama (centre) et dans le cadre du conflit armé ayant opposé les forces armées syriennes à l’opposition islamiste, écrit le MPC dans un communiqué publié hier. Le conflit armé à Hama aurait fait, selon les estimation­s, entre 3000 et 60 000 morts, dont une majorité de civils. Le frère du président d’alors, Hafez al-Assad, dirigeait les Brigades de défense («Saraya al-Difaa»), une unité d’élite accusée d’avoir commis de nombreuses atrocités et massacres lors de la reprise de la ville.

Plusieurs milliers de civils auraient été victimes de diverses exactions, allant de l’exécution immédiate à la détention et la torture dans des centres spécialeme­nt créés. Plusieurs témoignage­s en font état. Dans son acte d’accusation, le MPC reproche à Rifaat al-Assad d’avoir été à l’origine de «plusieurs violations des lois de la guerre». Il aurait en particulie­r ordonné aux troupes sous son commandeme­nt de ratisser la ville et d’exécuter les habitants de Hama en février 1982.

Le commandant des Brigades de défense aurait été impliqué dans des meurtres, des actes de torture, des traitement­s cruels et des détentions illégales commis lors de cette opération. Ces faits seraient constituti­fs de violation des lois de la guerre, relève le MPC. Les meurtres qui lui sont reprochés peuvent en outre être qualifiés de crimes contre l’humanité.

Le parquet fédéral a ouvert en décembre 2013 une procédure pénale pour crimes de guerre contre M. Assad à la suite d’une dénonciati­on déposée trois mois plus tôt par Trial Internatio­nal. Il séjournait alors dans un hôtel genevois.

Séjours en Suisse et en Russie

Cette procédure a été ouverte en vertu de la compétence universell­e et de l’imprescrip­tibilité des crimes de guerre, précise-t-il. L’ancien Code pénal militaire stipule en effet que les crimes de guerre sont punissable­s en Suisse depuis 1968, indépendam­ment du lieu et de la citoyennet­é de l’auteur ou de la victime. Le MPC a lancé il y a deux ans un avis de recherche internatio­nal, mais il avait gardé le secret jusqu’en 2023 afin que Rifaat al-Assad ne puisse pas prendre de dispositio­n pour s’y soustraire. Surnommé «le boucher de Hama», il sera l’un des plus hauts responsabl­es gouverneme­ntaux à être jugés pour des crimes internatio­naux sur la base du principe de compétence universell­e, écrit l’ONG genevoise sur son site. «C’est un pas de plus vers la justice pour le peuple syrien!» se réjouit son directeur exécutif Philippe Grant.

Pour rappel, l’ancien dirigeant syrien, âgé de 86 ans, a fui la Syrie dès 1984 à la suite d’un putsch manqué contre son frère. Il a notamment séjourné en Russie et en Suisse, avant de s’établir en France. Condamné par la justice hexagonale à 4 ans de prison pour détourneme­nt de fonds et blanchimen­t en bande organisée, il est rentré en Syrie en octobre 2021.

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