«La promotion du local, c’est un investissement»
Le Conseil des Etats a accepté, hier, la mise en place d’une réserve climatique pour les vins suisses. Il répond ainsi à une demande insistante de la branche, depuis plusieurs années. De quoi réjouir Yvan Aymon, le président de l’Interprofession de la vig
C’est une double victoire pour la viticulture suisse. Hier, le Conseil des Etats a accepté de pérenniser l’enveloppe de 9 millions de francs par année pour la promotion des vins suisses, alors que le gouvernement proposait un retour à 2,8 millions. Il a également validé la mise en place d’une réserve climatique pour les vins suisses, pour laquelle la branche se bat ardemment depuis de nombreuses années. Lancée en Valais, la démarche a de quoi réjouir Yvan Aymon, le président de l’Interprofession de la vigne et du vin du canton.
En quoi la création d’une réserve climatique est-elle importante pour le monde du vin suisse? C’est un outil indispensable qui ne coûte rien à personne et qui a un impact économique important. Les fluctuations des récoltes ont un impact considérable sur la consommation et nous empêchent de maintenir nos parts de marché. Selon une étude de l’Observatoire suisse du marché des vins, 37% de la baisse de consommation des vins suisses est liée à la production. C’est énorme! Il est important pour nous d’avoir un outil qui permette de lisser les récoltes tout en maintenant la qualité.
Comment marche cet outil? Aujourd’hui, les interprofessions cantonales décident au mois de juin des limites annuelles de rendement par cépage, en fonction des stocks et du marché. Avec la réserve climatique, l’idée est de décaler dans le temps la décision définitive. Exemple: en 2020, nous avions décidé de baisser à 1 kg par mètre carré, au lieu de 1,2 kg, le rendement du pinot noir; en 2021, la récolte a été historiquement faible, environ 50% d’une vendange habituelle, nous nous sommes donc retrouvés avec des caves vides. Or, les 200 grammes que nous avons coupés et qui ont fini par terre en 2020, pour respecter les quotas, auraient été utiles sur le marché. C’est cela l’idée de la réserve climatique: utiliser une partie de la vendange d’un millésime pour réguler. Et si au final on n’en a pas besoin, on déclasse ce vin.
Comment conserver la qualité, si l’on produit plus? On ne produira pas plus. La réserve climatique nous permet, à l’inverse, de ne pas produire moins. Au lieu de réduire les rendements en cas de surstock, on peut les conserver pour constituer une réserve, mais en aucun cas nous ne produirons plus que les limites quantitatives des AOC.
L’idée derrière cet outil, c’est donc que les Suisses consomment plus de vins locaux? Exactement. Lors des années de faibles récoltes, les consommateurs ne boivent pas moins de vin, ils se tournent vers les nectars étrangers, qui grignotent des parts de marché, alors qu’en Suisse, plus de six bouteilles consommées sur dix proviennent déjà de l’étranger. Il faut mettre en avant la qualité des vins suisses et pousser les consommateurs à se tourner vers des produits locaux. Pour avoir une branche du vin saine, en Suisse, nous avons besoin de 4% de parts de marché en plus, ce n’est pas énorme.
Le Conseil des Etats a aussi décidé de pérenniser le montant de 9 millions alloué à la promotion des vins suisses. C’était une décision importante? C’est une question d’équité. La Suisse étant considérée comme un pays tiers par l’Union européenne, les régions productrices de vin peuvent investir beaucoup d’argent pour la promotion de leurs produits dans notre pays. Rien que l’Italie dépense 18 millions par année. Nous saluons donc cette décision des Etats. La promotion, ce n’est pas une aide ou une subvention, c’est un investissement. Consommer des vins suisses permet de faire vivre toute une économie et, de facto, engendre aussi des rentrées fiscales.
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«La réserve climatique est un indispensable outil, qui ne coûte rien à personne»