«L’avantage du NUC? Ne pas être favori de cette finale»
Le Neuchâtel Université Club accueille Chieri ’76 pour le match aller de la finale de la CEV Cup. La Bâloise Maja Storck, joueuse de cette redoutable équipe italienne la saison dernière encore, livre les clés de cette double confrontation très attendue
Ne pas déranger Maja Storck ce mercredi soir dès 19h. L'une des toutes meilleures volleyeuses suisses du moment sera confortablement installée devant sa télévision. Au programme: le match aller de la finale de la CEV Cup. D'un côté du filet, le Neuchâtel Université Club (NUC), coaché par Lauren Bertolacci, qu'elle connaît bien comme sélectionneuse de l'équipe nationale. De l'autre, Chieri '76, l'équipe italienne avec laquelle elle a remporté l'an dernier une autre compétition européenne, la Challenge Cup. La talentueuse attaquante bâloise de 25 ans, aujourd'hui à Pinerolo, toujours en Serie A1 italienne, livre les clés d'une double confrontation historique… dont les Neuchâteloises seront loin d'être favorites.
A quel genre de match vous attendez-vous entre le NUC et Chieri? Tout d'abord, c'est un fantastique accomplissement pour une équipe suisse d'atteindre une finale européenne. Pas grand monde ne s'y attendait, et le NUC a fait du bon boulot en battant plusieurs grandes équipes en chemin. Du coup, même si Chieri est une bonne équipe italienne, elle doit se méfier. C'est très important pour le club de gagner cette compétition, et je sais que l'entraîneur Giulio Cesare Bregoli est assez nerveux.
Aucune chance qu’il sous-estime le Petit Poucet suisse? Non, définitivement pas. Ce week-end, il a économisé ses meilleures joueuses pour qu'elles abordent la finale en pleine forme. Bregoli est le genre de coach qui analyse tout en détail, mais il sait aussi qu'il est difficile de bien comprendre une équipe sur la seule base de vidéos. Bien sûr, il sait que le NUC joue un volleyball rapide et agressif. Mais il faut être dans la même salle pour vraiment réaliser la vitesse des balles, les angles d'attaque. Comme le premier match est à Neuchâtel, Chieri aura besoin d'un petit temps d'adaptation.
On entend souvent que le Championnat italien est le meilleur du monde. Pouvez-vous confirmer, après deux saisons sur place? Avec le Championnat turc, oui. Il suffit de regarder quelles joueuses évoluent dans la Péninsule, les résultats des équipes en compétitions internationales…
Quelles sont les différences principales avec le Championnat de Suisse? En Italie, les gens vivent pour le sport et le volleyball est un métier. Il y a beaucoup d'argent investi, de sponsors, de reconnaissance publique, de salles modernes, de retransmissions télévisées sur les chaînes les plus populaires… La Suisse ne rivalise en rien, mais attention, la France ou l'Allemagne non plus. Pour le volleyball, l'Italie est un autre monde.
Sur le strict plan sportif aussi? Il y a une vraie école italienne, dans le sens où le pays compte de nombreux entraîneurs, qui exercent dans une multitude d'internats dédiés au volley. La formation est très performante, avec un accent tout particulier mis sur la défense. Chaque équipe possède une joueuse extraordinaire au poste de libéro, et il y a vraiment cette idée que tout part des ballons que l'on remonte. Et avec leurs renforts étrangers, les équipes italiennes attaquent bien aussi. Quand je suis arrivée, en provenance du Championnat allemand, j'ai dû franchir un immense palier: le volleyball est tellement meilleur ici…
Que pouvez-vous dire de Chieri? Le club a été fondé en 1976, mais à la suite de problèmes financiers, il a dû repartir à peu près de zéro en 2009. Depuis, il n'a cessé de progresser pour atteindre son niveau actuel. Nous avons gagné une compétition européenne l'an dernier, et l'équipe est stable autour de la cinquième place du Championnat italien. La force de Chieri, c'est son ancrage local, dans une petite ville de 36 000 habitants, avec de nombreux bénévoles et une grande sympathie de la population. Dans la rue, tout le monde reconnaît les joueuses, et la salle est toujours pleine.
Ah. Donc la ferveur du public de la Riveraine ne sera pas un avantage… (Rires.) Bon, Neuchâtel, c'est spécial, avec tous les fans qui hurlent «Ici c'est Neuch»… Franchement, je ne connais aucun public aussi fou! Mais Chieri n'est pas à plaindre. D'ailleurs, l'équipe joue ses matchs européens à Turin, dans une salle de 5000 places, et c'est toujours complet.
Quels conseils technico-tactiques donneriez-vous au NUC? La faille de Chieri survient peut-être quand l'équipe adverse sert très bien. Alors, les Italiennes ont de la peine à jouer de manière aussi rapide qu'elles le veulent. Je recommanderais donc au NUC de prendre des risques dans les mises en jeu, mais comme cela fait partie de son identité, je ne doute pas qu'il va le faire. Pour le reste, les Neuchâteloises doivent rester elles-mêmes, notamment en évitant de se prendre la tête sur les erreurs qu'elles commettront forcément. Elles ne devront jamais être sur la réserve. Exactement comme elles l'ont fait aux tours précédents.
Quelle part du parcours européen du NUC peut-on mettre au crédit de la coach Lauren Bertolacci, qui vous sélectionne en équipe de Suisse? Une part très importante. Par rapport à des entraîneurs masculins, elle a l'avantage d'avoir été à notre place, sur le terrain, et les joueuses apprécient qu'elle puisse comprendre précisément ce qu'elles vivent. Au-delà, elle donne énormément de confiance à ses protégées et les encourage à tenter de nouvelles choses. Avec elle, tu apprends sans arrêt, et les progrès constants du NUC comme de l'équipe nationale n'y sont pas étrangers.
En Suisse, le NUC n’a actuellement pas d’adversaire à sa hauteur, tandis que Chieri dispute des matchs de très haut niveau chaque week-end. Cela peut-il peser sur la finale? Bien sûr, c'est un élément important, d'autant que ce ne sont pas que les matchs qui sont de haut niveau en Italie, mais aussi chaque entraînement, vu la qualité globale des contingents. Cela s'additionne à tout le reste. Mais le NUC a un avantage, celui de ne pas être favori. C'est beaucoup plus facile de jouer quand chaque point marqué est une victoire. Si on perd, c'est normal; si on gagne, c'est un exploit. La position inverse est beaucoup plus rude psychologiquement, si les choses prennent une mauvaise tournure.
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