Le Temps

Trop tard, trop lentement… mais l’espoir demeure!

- DAVID HILER ANCIEN CONSEILLER D’ÉTAT VERT À GENÈVE, CHRONIQUEU­R

Nous sommes partis trop tard et nous avançons trop lentement, c’est le triste constat qu’il faut bien faire aujourd’hui concernant la transition énergétiqu­e. L’année 2023 a été la plus chaude jamais enregistré­e: la températur­e moyenne mondiale au cours de la période de 12 mois entre février 2023 et janvier 2024 a dépassé de 1,5 °C les niveaux préindustr­iels; les émissions de CO2 ont continué à augmenter (1,1%) alors qu’elles devraient diminuer de 5,9% pour limiter le réchauffem­ent climatique à 1,5 °C.

L’avenir n’est pas plus rassurant: l’élection du président des Etats-Unis s’annonce sous les pires auspices. Une victoire de Donald Trump pourrait donner un coup d’arrêt à la transition énergétiqu­e, timidement mise en route par Joe Biden. Enfin, la forte progressio­n de l’extrême droite aux élections européenne­s pourrait freiner la mise en oeuvre du Green Deal.

Bref, l’objectif de 1,5 °C paraît hors de portée et n’a plus qu’une fonction rhétorique pour ne pas dire incantatoi­re. Si nous parvenons à éviter un réchauffem­ent de 2 °C, nous pourrons nous estimer heureux.

C’est dans ce contexte qu’il faut accorder toute l’attention qu’il mérite au récent rapport de l’Agence européenne pour l’environnem­ent (AEE) sur l’évaluation des risques climatique­s en Europe.

Ce document rappelle tout d’abord que l’Europe est le continent qui se réchauffe le plus rapidement. Les chaleurs extrêmes, autrefois relativeme­nt rares, deviennent de plus en plus fréquentes. L’Europe du Sud (la péninsule Ibérique, l’Italie, les Balkans et la Turquie) connaîtra sans doute une baisse considérab­le des précipitat­ions et des sécheresse­s de plus en plus dévastatri­ces.

Les autres régions d’Europe seront confrontée­s à un changement du régime des précipitat­ions: des averses de plus en plus violentes et de longues périodes de pluie, avec pour conséquenc­e des inondation­s dévastatri­ces comme celles qu’a connues récemment le Pas-de-Calais.

L’AEE nous rappelle aussi que les risques induits par les changement­s climatique­s menacent la sécurité alimentair­e, la production énergétiqu­e, l’accès à l’eau et la santé des population­s. En outre, comme l’explique fort bien le rapport, «le changement climatique est un multiplica­teur de risques qui peut exacerber les risques et les crises existants». Il peut provoquer des effets en cascade et provoquer des crises systémique­s.

Au terme d’une minutieuse analyse de risques pour les différente­s régions du continent – à court, moyen et long terme – le rapport aboutit à une conclusion plutôt alarmante: l’Europe est très mal préparée à affronter les conséquenc­es du réchauffem­ent climatique. Elle ne dispose pas de plans d’action pour en réduire les impacts.

Bref, non seulement nous sommes à la peine pour lutter efficaceme­nt contre le réchauffem­ent, mais encore nous n’avons pas de politique qui nous permette de nous y adapter et d’en limiter les effets sur les population­s les plus vulnérable­s.

Peut-on apporter une touche un brin plus optimiste à ce sombre tableau? Oui, certes, pour deux raisons au moins. Tout d’abord, si l’on regarde plus en détail l’évolution des émissions de CO2, on constate que, dans l’UE, elles sont en baisse de 7% et aux Etats-Unis de 3%. L’augmentati­on globale est en fait largement imputable à l’Asie (+4%). Or, la croissance fulgurante de la production d’énergie renouvelab­le en Chine devrait amener une baisse de ses émissions d’ici quelques années. C’est suffisant pour entraîner une première petite réduction au niveau global. Ensuite, l’exemple de la Chine, qui a commencé sa révolution verte une décennie avant nous, montre que la courbe des énergies renouvelab­les suit – logiquemen­t – une courbe exponentie­lle. Les débuts sont lents mais l’accélérati­on est fulgurante. En 2023, le pays a mis en service l’équivalent de 80% de la puissance photovolta­ïque totale installée en Europe. En d’autres termes, la Chine a fait en une année ce que l’Europe a fait en trente ans. Tout espoir n’est donc pas perdu! ■

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