Le Temps

L’initiative «Frein aux coûts» n’emballe pas

- ANNICK CHEVILLOT, BERNE @chevillot_a

SANTÉ La population s’exprimera le 9 juin sur le texte lancé par Le Centre. «Le Temps» a pu consulter un sondage de l’institut Sotomo qui montre une faible adhésion au projet et des craintes sur ses conséquenc­es

Moins d’un Suisse sur quatre est favorable à l’initiative «Frein aux coûts», lancée par Le Centre. C’est ce qui ressort du premier sondage de l’institut zurichois Sotomo, commandé par le comité opposé au projet. Ces résultats publiés ce jeudi, et que Le Temps a pu se procurer, tranchent avec ceux du sondage Tamedia publié début mars: 72% des votants s’y disaient favorables à l’initiative. Une telle différence n’est pas anodine. Comment est-il possible de passer de 72% d’intentions de vote favorable à environ 40% entre deux enquêtes d’opinion?

Pour Michael Hermann, directeur général de Sotomo, cela tient à deux facteurs particulie­rs: «Chaque Suisse est à la fois un payeur de primes et un potentiel patient. Le payeur de primes est favorable à freiner les coûts de la santé pour faire baisser lesdites primes d’assurance maladie. Le patient, lui, n’est pas prêt à voir s’instaurer une médecine à deux vitesses, un rationneme­nt des soins et un temps d’attente plus long pour se faire soigner. Notre sondage illustre cette dichotomie.»

Il ne représente pas non plus une réponse au sondage Tamedia publié au début du mois et mené du 29 février au 3 mars. «Le nôtre a été effectué en décembre dernier, tient à préciser François Huguenet, responsabl­e de la coordinati­on médias du comité contre l’initiative. C’est important, parce que notre but est d’approfondi­r le sujet et d’évaluer les risques de l’initiative.»

L’intérêt de ce sondage réside aussi dans sa méthodolog­ie. Avant de connaître les arguments des opposants, les sondés ont dit s’ils étaient pour ou contre l’initiative. Seuls 42% se disaient favorables, 43% étaient plutôt opposés et 15% indécis. Une fois les arguments et les conséquenc­es possibles expliquées, les participan­ts ont de nouveau exprimé leurs intentions de vote. Le taux de «Oui» et «Plutôt oui» tombe alors à 39% et celui «Contre» ou «Plutôt contre» monte à 45%. Le taux d’indécis demeure, lui, inchangé. Un second résultat arrondi, qui n’atteint donc pas 100%.

Cette différence est encore plus accentuée en Suisse romande. Ainsi, une fois les risques de l’initiative soumis aux participan­ts romands, le taux de refus passe de 36 à 46%.

Beaucoup de risques et peu d’avantages

Pour les opposants à l’initiative – soit 11 associatio­ns et fédération­s représenta­nt médecins, infirmière­s, soins à domicile et hôpitaux –, ce sondage permet justement de mieux comprendre les craintes des électeurs et d’affiner les arguments pour la campagne qui débute. Les effets potentiels du texte sur le système de santé et de soins ont donc été évalués par Sotomo. 50% des participan­ts estiment qu’il générera un temps d’attente plus long pour se faire soigner; 47% qu’il instaurera une médecine à deux vitesses et 45% qu’il représente un rationneme­nt des soins. Seuls 41% des sondés pensent, en revanche, que l’initiative permettra de réduire le gaspillage et la surmédical­isation; 33% qu’elle permettra de réduire les primes d’assurance maladie et 25% que le système de santé sera plus efficace.

Le résultat du sondage en fonction de l’appartenan­ce politique montre encore que Le Centre est isolé sur le sujet. «Oui, le parti part contre tous les autres, reconnaît Benjamin Roduit (Le Centre/VS). Nous sommes les seuls à vouloir freiner la hausse des coûts et en finir avec le gaspillage des soins grâce à un mécanisme similaire au frein aux dépenses de la Confédérat­ion.» Selon cette enquête, la bataille ne se résumera pas à une bataille gauche-droite, puisque les sympathisa­nts des Vert·e·s, du PS, du PLR et de l’UDC sont aussi contre l’initiative. Seules les personnes sans affiliatio­n politique se disent plutôt favorables au projet.

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