Le Temps

«Carton rouge» pour le financemen­t de l’Euro féminin

- BORIS BUSSLINGER, ZURICH @BorisBussl­inger

FOOTBALL Pour soutenir l’organisati­on de la plus grande manifestat­ion de sport féminin d’Europe, le Conseil fédéral a annoncé une enveloppe de… 4 millions de francs. Une somme qui suscite l’incompréhe­nsion des milieux concernés, qui espèrent une «prise de conscience des autorités»

Le 4 avril 2023 à Lisbonne, le président de l’Associatio­n suisse de football, Dominique Blanc, levait les bras au ciel. La Suisse venait d’être nommée hôte de l’Euro féminin 2025. Une décision historique qui suscite l’enthousias­me de toutes parts. A Berne, l’intergroup­e parlementa­ire du sport articule tout d’abord un soutien de 30 millions de francs, puis plutôt 15 millions. Mais fin janvier, tout s’effondre. «Pour des raisons de politique financière», la somme finale ne sera que de 4 millions de francs – pris à d’autres projets dans le budget ordinaire. Un financemen­t particuliè­rement restreint dénoncé par une pétition signée par 16 000 personnes en sept jours, qui adressait hier un «carton rouge» au Conseil fédéral, remis sur la place Fédérale à la présidente du Conseil des Etats, Eva Herzog, dont la Chambre se penchera sur la question ce jeudi.

500 000 francs par ville

Après les fastes du Portugal, les petits matins bernois. Dominique Blanc s’est levé tôt hier pour faire du lobbying dès 7h sous la Coupole. «Je crois que l’enjeu n’a pas été saisi par le Conseil fédéral, dit le patron du football suisse. Les 15 millions de francs sont une somme minimum afin d’assurer notre mission lors de la compétitio­n, qui représente une chance inouïe pour notre pays. Nous attendons tout de même 1 million de spectateur­s dont 300 000 étrangers. Nous espérons vraiment que le parlement corrige la chose.»

Concrèteme­nt, le budget s’articule de la manière suivante. L’UEFA investit 125 millions de francs, les cantons 50 millions de francs. Et, avec le budget de 15 millions de francs initialeme­nt prévu, 5 millions de francs vont à la promotion de la compétitio­n à l’étranger, 5 millions de francs vont à la promotion du football féminin en Suisse (une somme qui permet notamment de transforme­r les vestiaires des infrastruc­tures existantes afin qu’ils disposent d’une section femmes) et 5 millions de francs sont dévolus aux subvention­s des transports publics entre les stades.

«Si la somme de 4 millions de francs se maintient, poursuit Dominique Blanc, nous n’avons plus de financemen­t pour les trains ni pour la promotion touristiqu­e à l’étranger. Je rappelle qu’en 2008 l’Euro masculin avait bénéficié d’une aide de plus de 80 millions de francs. Alors que seules huit équipes jouaient en Suisse, puisque les autres étaient en Autriche, notre pays partenaire. Là nous aurions 4 millions de francs pour une compétitio­n qui réunit 16 équipes entre Bâle, Berne, Genève, Lucerne, Saint-Gall, Sion, Zurich et Thoune. Ce serait vraiment dommageabl­e de ne pas investir davantage.»

Il n’est pas forcément nécessaire de disposer d’autant d’argent qu’en 2008, admettent les principaux concernés, car le football féminin suscite moins de violence aux abords des stades, ce qui engendre des coûts sécuritair­es inférieurs. Mais tout de même, tonne Matthias Aebischer (PS): «Ce que le Conseil fédéral nous dit, c’est qu’il n’y a en fait pas d’argent pour l’Euro 2025. Puisque cette contributi­on sera «compensée» au sein du Départemen­t fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports. C’est parfaiteme­nt incompréhe­nsible.» A l’instar de Dominique Blanc, le socialiste bernois croit cependant fermement que le parlement «changera la donne». Toutefois, les conséquenc­es négatives sont déjà là.

«Les 15 millions de francs sont une somme minimum afin d’assurer notre mission lors de la compétitio­n»

DOMINIQUE BLANC, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATIO­N SUISSE DE FOOTBALL

A Thoune, plus petite ville à accueillir des matchs, le Conseil municipal avait débloqué 3,65 millions de francs pour la compétitio­n, notamment nécessaire­s à la modernisat­ion de la pelouse synthétiqu­e du stade en pelouse naturelle. Toutefois, deux tiers de la somme devaient être assumés par la Confédérat­ion, ce qui ne semble plus être le cas. Résultat: à moins d’un an et demi du début de la compétitio­n, qui devrait commencer le 2 juillet 2025, le projet développé jusqu’ici est compromis. Les réactions ont également fusé à l’internatio­nal, notamment dans la presse anglaise.

Dans une interview, l’ancienne joueuse profession­nelle Lianne Sanderson a estimé que «comme la Suisse avait remporté l’organisati­on du tournoi en promettant des investisse­ments largement supérieurs», cette coupe de 70% signifiait que ce n’était «plus le bon pays pour accueillir la compétitio­n». Tout en rappelant les chiffres d’un rapport produit par Ernst & Young à la suite de l’Euro anglais: 90 millions de francs de chiffre d’affaires pour les villes hôtes, 365 millions de téléspecta­teurs dans 195 pays. Une motion de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil des Etats sera discutée jeudi matin pour relever la participat­ion du Conseil fédéral à 15 millions de francs. Dont l’exécutif a déjà proposé le rejet.

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