La bataille autour de la 5G est loin d’être terminée
POLÉMIQUE Un sondage indique que la part des opposants à cette technologie a été divisée par deux en cinq ans. Mais il demeure plusieurs sources de tensions
On l’avait presque oubliée. Eclipsée par les craintes que suscite l’intelligence artificielle, la peur autour de la 5G semblait avoir totalement disparu. Souvenez-vous: des moratoires dans certains cantons, des campagnes sur les réseaux sociaux, des récoltes de signatures… Dès l’attribution des licences à Swisscom, Sunrise et Salt début 2019, une fronde impressionnante s’était formée contre cette technologie. Six ans plus tard, l’opposition à la 5G semble avoir faibli, selon un sondage. Mais attention, la lutte entre pro- et anti-5G est loin d’être finie.
Selon une enquête d’opinion du comparateur en ligne Bonus.ch, effectuée auprès de 1900 personnes, l’opinion a considérablement évolué depuis 2019. Ainsi, en cinq ans, les opposants à la 5G sont passés de 44 à 20% en Suisse. Le pourcentage de personnes favorables à cette technologie est passé de 43 à 56%. Dans le détail, 20% des sondés se déclarent «totalement pour» (11% précédemment), 36% sont «plutôt pour» (contre 23%), 13% restent «plutôt contre» (24%), 7% sont «totalement contre» (20%) et 24% n’ont pas d’avis (22%).
Fracture nationale
Quelles sont les raisons principales du «contre»? a cherché à savoir Bonus. ch. Réponses: 52% des opposants à la 5G mettent en avant les risques sur la santé, 32% l’impact sur l’environnement, 7% la cybersécurité et 9% avancent d’autres raisons. Autre élément intéressant: il semble y avoir des différences régionales importantes. En Suisse romande, seuls 49% des sondés sont favorables à la 5G, sensiblement moins qu’en Suisse italienne (59%) et en Suisse alémanique (63%).
L’opposition à la 5G a diminué. Mais elle est toujours là. Et des développements au niveau politique sont suivis de près par ceux qui combattent cette technologie. L’automne dernier, le Conseil national adoptait une motion, émanant du groupe PLR, demandant un développement rapide de la 5G. Selon le texte, «le Conseil fédéral est chargé de prendre les mesures et les décisions nécessaires pour permettre le passage à la 5G, l’objectif étant que les opérateurs déploient à l’échelle nationale un réseau de grande qualité, à des coûts aussi bas que possible». Le texte, également adopté par le Conseil des Etats, est flou: c’est au gouvernement de prendre des mesures pour accélérer le déploiement de ces réseaux. «Cela pourrait être de faciliter la pose d’antennes sur des bâtiments publics ou d’assouplir le droit de la construction», estime un spécialiste du secteur. Mais il ne s’agit pas d’augmenter les valeurs limites du rayonnement, comme l’a imposé le Conseil des Etats lors de l’examen du texte. Les opposants à la 5G sont très vigilants sur ce point. Mais ce n’est pas le seul: le Tribunal fédéral doit statuer sur des recours sur la façon de mesurer ce rayonnement. Depuis peu, les antennes 5G, qui rayonnent en fonction de la demande (un peu comme des lampes de poche), bénéficient d’un autre système de mesure que les antennes 3G ou 4G. Les partisans de la 5G estiment qu’il est juste de mesurer le rayonnement de manière différente, les opposants affirment que c’est une hausse déguisée des valeurs limites. Ces derniers se disent très préoccupés par toutes les tentatives pour augmenter la puissance des antennes.
«Le traitement d’une demande de construction est estimé en moyenne à trois ans» LAETITIA MORANDI, COPRÉSIDENTE DE CHANCE5G
Les opérateurs et les milieux de l’économie, réunis derrière le lobby appelé Chance5G, ne sont pas satisfaits pour autant: ils regrettent qu’environ 3000 dossiers pour des nouvelles antennes ne soient pas encore traités. Les moratoires ou pseudo-moratoires, décrétés notamment dans les cantons de Vaud et Genève, sont la cause de ce retard. «Malgré les feux verts donnés au niveau fédéral, cantonal mais également judiciaire, des blocages persistent. Le traitement d’une demande de construction est estimé en moyenne à trois ans. L’engagement et la volonté de l’ensemble des communes sont plus que jamais nécessaires pour déployer un réseau efficient et durable», estimait en février dernier Laetitia Morandi, coprésidente de Chance5G.
Ondes millimétriques
Et la lutte pourrait continuer. L’Office fédéral de la communication (Ofcom) vient de terminer une consultation concernant l’attribution des fréquences de radiocommunication mobile utilisables à partir de 2029. Dans ce cadre, il pourrait y avoir, si l’industrie le demande, la libération des fréquences pour les ondes dites millimétriques des bandes 26 GHz et 40 GHz. Ces ondes permettent de transmettre des données beaucoup plus rapidement sur de courtes distances. Il est fort possible que ce type d’ondes soient combattues par les opposants à la 5G, par crainte notamment de conséquences sur la santé.
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