«La La Land» se déploie en version symphonique
CINÉ-CONCERT Les Rencontres 7e Art Lausanne proposent ce soir une projection exceptionnelle du film de Damien Chazelle qui verra le compositeur américain Justin Hurwitz diriger le Sinfonietta de Lausanne
Un homme et une femme. Lui en chemise blanche et cravate, elle en robe jaune. Sur les hauteurs de Los Angeles, les voici qui chantent et dansent; il semblerait bien que Sebastian (Ryan Gosling) et Mia (Emma Stone) ne se détestent pas autant qu'ils l'imaginaient initialement… Lorsque le réalisateur Damien Chazelle évoque pour la première fois auprès de son ami compositeur Justin Hurwitz ce qui deviendra en 2016 La La Land, il lui dit simplement ceci: «C'est une comédie musicale qui se déroule à L.A.» Le film est désormais culte, il fera découvrir un genre majeur de l'âge d'or du cinéma hollywoodien à une nouvelle génération. Et raflera aussi six Oscars, sept Golden Globes et deux Grammy Awards.
Hier après-midi dans les coulisses de la Salle Métropole, à Lausanne, Justin Hurwitz le Californien regarde dans un geste très suisse sa montre. Les musiciens du Sinfonietta de Lausanne se préparent pour la première répétition guidée par le compositeur, qui a hâte de les rencontrer pour mettre en place le ciné-concert La La Land que proposent ce soir les Rencontres 7e Art Lausanne.
De l’Hollywood Bowl à la salle Métropole
L'Américain se souvient d'avoir commencé à écrire la musique du film en parallèle à son écriture par Damien Chazelle, ancien camarade d'université qu'il a accompagné musicalement sur ses cinq longs métrages. «Avant même de démarrer le tournage, il a fallu enregistrer des démos afin qu'elles puissent être diffusées sur le plateau, raconte-t-il. C'est le pianiste Randy Kerber qui a enregistré tous les morceaux, et il est à Lausanne avec nous, ce qui est exceptionnel puisqu'il ne donne que très peu de concerts.» Rndy Kerber est un homme de l'ombre: il a travaillé sur quelque 800 films, que ce soit comme pianiste, compositeur ou superviseur musical.
Le premier ciné-concert La La Land a eu lieu en plein air, en 2017, au prestigieux Hollywood Bowl. Il a depuis été joué dans quelques grandes villes dans des arrangements pour 70 musiciens et musiciennes. A Lausanne, 53 personnes seront sur scène: 40 membres du Sinfonietta, 12 musiciens de jazz et donc Randy Kerber. Ce n'est qu'en fin d'année dernière qu'Alexandrine Kol, directrice des Rencontres 7e Art, a approché l'ensemble lausannois. «Et ça a été tout de suite évident de nous lancer dans l'aventure, explique Emmanuel Dayer, directeur de l'orchestre. Car même si le délai était assez court, on aime ce genre de projets.»
On se souvient en effet d'avoir vu plusieurs fois le Sinfonietta invité par le Montreux Jazz Festival pour des collaborations de prestige, avec The Young Gods, John Cale, Woodkid ou Björk. Du côté des ciné-concerts, la phalange a déjà accompagné La Panthère rose, Dragon Ball… et La La Land. C'était au KKL de Lucerne et dans une autre production que celle que coproduit le compositeur via sa société Hurwitz Concerts. «J'adore diriger ce concert et partager en direct la musique et le film, s'enthousiasme l'Américain. Pour le public, voir La La Land dans ces conditions est vraiment une nouvelle expérience. Cela permet aussi d'amener des gens vers la musique symphonique, à une époque où ils en écoutent moins que ce qu'ils devraient. Si un film peut pousser des parents à emmener leurs enfants à un concert symphonique, cela me réjouit.»
Influence de Jacques Demy
C'est l'an dernier que Justin Hurwitz a réarrangé la musique du film de Damien Chazelle pour un ensemble d'une cinquantaine de musiciens. «Même s'il y a 20 musiciens de moins, on ne voit pas la différence. Il ne s'agit que de petits ajustements quasiment inaudibles», souligne celui qui cite les comédies musicales de Jacques Demy et les compositions de Michel Legrand comme sa principale source d'influence. Et tient à ajouter: «J'ai grandi avec les films d'animation musicaux de Disney, comme La Petite Sirène et La Belle et la Bête. Et j'adore Grease, que le festival a projeté le week-end dernier.»
Alors qu'on quitte la Salle Métropole, il salue les musiciens et lève sa baguette. Le Sinfonietta et l'ensemble de jazz donnent instantanément l'impression d'être parfaitement en place. «Le plus complexe, c'est de coller aux images, glisse Emmanuel Dayer. Tout est extrêmement précis et millimétré au niveau de la technique et des clics. Et il faut que les musiciens s'entendent alors qu'il y a aussi l'ensemble de jazz et la bande sonore du film… Mais je n'ai aucun souci, tout va bien se passer.» ■
La La Land en ciné-concert, Salle Métropole, aujourd’hui à 20h dans le cadre des Rencontres 7e Art Lausanne (complet). Rencontre avec Justin Hurwitz suivie de la projection de «Whiplash», vendredi 15 mars à 19h15 au Capitole (Salle Buache).