Le Temps

Hugues Quester, fauve en enfance

- A. DF

Le don d’Hugues Quester. A ses amis, à ceux qui le sont devenus après avoir communié avec lui dans Fantômes, ce texte où tout chuchote de Philippe Minyana. Il joue un peu de nos vies dans le grenier du Théâtre de la Ville, escorté par Laurent Charpentie­r, comédien qui respire l’amitié – c’est dire la hauteur du moment – sur une scène qui s’apparente à un pigeonnier avec son fauteuil, sa petite table où déposer son whisky, son bureau où écrire son journal intime. Vous êtes chez Philippe Minyana, l’auteur admiré de La Maison des morts. Et plus encore chez Hugues Quester, 75 ans, magnétique dans Pour un oui ou pour un non de Nathalie Sarraute monté par Jacques Lassalle au Théâtre de Vidy en 1998, inoubliabl­e encore en Père foudroyé dans Six personnage­s en quête d’auteur de Luigi Pirandello, empoigné en 2001 par Emmanuel Demarcy-Motta à la Comédie de Genève.

Hugues Quester habite Fantômes sur le fil de chagrins irrémissib­les. Bréviaire d’amour. Philippe Minyana y portraitur­e sa mère Dédette, célèbre sa beauté dans le village de l’enfance en Franche-Comté. La guerre finissait et les hommes bégayaient leur futur. De ce clair-obscur, il reste ces photos que Laurent vient de disperser devant Hugues. Pour qu’il en pioche une et que l’alchimie du théâtre opère. Frère d’âme, au fond. Le comédien est ce mémorialis­te écorché qui dit: «Je pressens souvent qu’il y a en moi un passé lointain: il me fait signe.» Les interprète­s rares font d’une vie minuscule une histoire majuscule. Hugues Quester est de cette étoffe-là. ■

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