Varsovie, meilleur allié de Kiev
A Bruxelles, le président polonais, Andrzej Duda, a invité les membres de l’Alliance atlantique à suivre la voie de son pays. La Pologne consacre 4% de son PIB aux dépenses militaires. Le secrétaire général de l’organisation militaire applaudit
Reçu au quartier général de l’OTAN hier à Bruxelles, le président polonais, Andrzej Duda, n’a pas manqué de relancer sa revendication déjà exprimée publiquement il y a quelques jours: que les pays de l’Alliance consacrent non plus 2% de leur PIB à la défense, mais 3%. Une ambition qui ravit le secrétaire général de l’OTAN. Mais qui en réalité devrait rester longtemps une chimère. Le 14 février, Jens Stoltenberg admettait que seuls 18 des 31 pays membres de l’organisation devraient atteindre l’objectif des 2% en 2024. Alors 3%…
Armée la plus puissante d’Europe
Sans surprise, la Pologne, qui a fêté le 12 mars ses 25 ans d’adhésion à l’OTAN, arrive en tête du classement, avec 4% du PIB consacré aux dépenses militaires, soit 32 milliards d’euros. Devant la Grèce (3% en 2023), l’Estonie (2,7%), la Lituanie (2,5%), la Finlande (2,5%) et la Hongrie (2,4%). La Norvège, qui doit composer avec la Russie comme «voisin imprévisible et dangereux», a, elle, annoncé hier qu’elle atteindrait les 2% en 2024, deux ans plus tôt que prévu.
La guerre en Ukraine a accéléré les dépenses en matière d’armement, et c’est essentiellement à partir de l’annexion de la Crimée en 2014 que les pays européens ont augmenté leur budget de défense, après des années de sous-investissement. Lors du sommet de Vilnius de juillet 2023, les pays de l’OTAN ont accepté de faire de l’objectif des 2% un «minimum» plutôt qu’un plafond, alors que Donald Trump, qui rêve d’accéder à nouveau à la Maison-Blanche, continue de fustiger les «mauvais payeurs».
«L’objectif des 2% a été lancé au moment de l’annexion de la Crimée alors que maintenant nous faisons face à une invasion russe à grande échelle», a insisté Andrzej Duda, issu du parti conservateur et nationaliste Droit et justice (PiS). Et d’ajouter que son pays «sait ce qu’être occupé par la Russie signifie». A ses côtés, Jens Stoltenberg venait de louer la Pologne, «alliée de poids de l’Ukraine», «qui bâtit l’une des armées les plus puissantes de l’OTAN».
Rembourser des livraisons d’armes
Le matin même, le Norvégien, qui vit ses derniers mois comme secrétaire général de l’OTAN, a présenté son rapport 2023. L’occasion de rappeler que l’an dernier les dépenses militaires des pays membres ont augmenté de 11% en valeur réelle. Et qu’en 2024, les pays européens de l’Alliance investiront au total 470 milliards de dollars dans la défense, soit, pour la toute première fois, l’équivalent de 2% de leur PIB combiné.
Mais plutôt que de regarder en arrière, il a lui aussi mis l’accent sur les défis à venir. Et dénoncé le fait que les pays de l’Alliance ne donnaient «pas assez» de munitions à Kiev, ce qui a des «conséquences tous les jours sur le champ de bataille». C’est avant tout une question de «volonté politique», a-t-il insisté. L’UE s’était engagée à livrer un million de munitions à Kiev d’ici à fin mars, or seuls 52% de l’objectif sera atteint.
Si, avec l’aide de la Pologne, Jens Stoltenberg pousse les pays de l’OTAN à faire davantage, les fronts ne restent pas figés. Mercredi, les 27 pays de l’UE ont décidé, malgré les réserves de l’Allemagne et de la France, de rajouter 5 milliards d’euros à un fonds permettant de financer l’achat d’armes pour l’Ukraine. Le fonds sert surtout à rembourser les livraisons d’armes effectuées par des pays membres. L’heure est à l’encouragement de la production européenne, avec pour objectif de s’affranchir un peu des fabricants d’armes américains, mais des pays, comme la République tchèque, n’ont pas hésité à suggérer de se fournir hors du bloc UE/OTAN pour aider Kiev plus rapidement.
Autre «initiative»: ce vendredi, le premier ministre polonais, Donald Tusk, le président français, Emmanuel Macron, et le chancelier allemand, Olaf Scholze, se rencontrent lors d’une réunion d’urgence à Berlin. La Pologne tentera de pacifier le couple franco-allemand, qui, ces derniers temps, s’est montré désuni à propos de la guerre en Ukraine. Le pro-européen Donald Tusk, à la tête d’une coalition centriste, et le président Andrzej Duda étaient par ailleurs mardi à Washington, pour rencontrer Joe Biden et des élus alors que 60 milliards de dollars d’aide à l’Ukraine sont toujours bloqués au Congrès américain.
Polémique lancée par Sikorski
Andrzej Duda prend donc son bâton de pèlerin en faveur d’une «réponse claire et audacieuse à l’agression russe». Mais récemment, un autre Polonais a fait parler de lui: le ministre des Affaires étrangères Radosław Sikorski. Il a déclaré, non sans provoquer une certaine confusion, que des soldats des pays de l’OTAN étaient déjà en Ukraine. Des propos tenus dans la foulée de la polémique déclenchée par Emmanuel Macron, qui suggérait que les alliés occidentaux ne devraient pas exclure d’y déployer des troupes.
«Des soldats des pays de l’OTAN sont déjà en Ukraine et je voudrais remercier les ambassadeurs de ces pays qui ont pris un tel risque», a souligné Radosław Sikorski le 8 mars, sans préciser de quels pays il s’agissait. Des instructeurs militaires, américains notamment, sont bien venus former des Ukrainiens à l’utilisation de certains types d’équipements militaires. Récemment, le New York Times évoquait aussi un camp de la CIA, et des rapports confidentiels de défense cités par Mariannefont état de la présence de soldats britanniques et de membres des forces spéciales françaises. ■