Le Temps

Les femmes vivent encore d’importante­s inégalités salariales

- JEAN-PHILIPPE DUNAND AVOCAT ET PROFESSEUR DE DROIT DU TRAVAIL À L’UNIVERSITÉ DE NEUCHÂTEL

Le 8 mars dernier a été célébrée la Journée internatio­nale des droits des femmes. L'occasion de revenir sur la question de l'égalité salariale entre femme et homme. Selon l'article 8 alinéa 3 de la Constituti­on fédérale, l'homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale. Autrement dit, auprès d'une même entité employeuse, la travailleu­se a droit à un salaire égal à celui que touche le travailleu­r s'ils accompliss­ent tous deux, dans des conditions égales, des tâches semblables ou des travaux, certes de nature différente, mais ayant une valeur identique. Il a, par exemple, été considéré que les activités d'une infirmière ou d'une physiothér­apeute étaient de valeur égale à celles d'un sauveteur ou d'un policier.

La loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes (LEg) concrétise la norme constituti­onnelle en interdisan­t toute discrimina­tion salariale fondée sur le sexe (art. 3 LEg). Dans le cadre d'une action en paiement du salaire dû (art. 4 LEg), la victime d'une discrimina­tion salariale peut demander la différence entre le salaire effectivem­ent perçu et le salaire exempt de discrimina­tion pour les cinq dernières années (cf. art. 128 du Code des obligation­s).

Il faut préciser qu'une différence salariale entre femme et homme n'est prohibée que si elle repose sur des circonstan­ces qui découlent de l'appartenan­ce à un sexe, sans que celles-ci puissent être matérielle­ment justifiées par le travail lui-même. Dans le système prévu dans la LEg, lorsque la travailleu­se est parvenue à rendre vraisembla­ble l'existence d'une discrimina­tion salariale, il appartient alors à la partie employeuse d'apporter la preuve qu'elle pouvait se prévaloir de motifs objectifs justifiant la différence salariale (cf. art. 6 LEg).

Selon la jurisprude­nce peuvent par exemple constituer des motifs objectifs ceux qui peuvent influer sur la valeur même du travail, comme la formation, le temps passé dans une fonction, la qualificat­ion, l'expérience profession­nelle, le domaine concret d'activité, les prestation­s effectuées, les risques encourus ou encore le cahier des charges. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré qu'une différence de rémunérati­on de 8 à 9% touchant deux logopédist­es ne violait pas le principe de l'égalité salariale, dans la mesure où elle était motivée par une formation préalable différente (maturité d'une part, diplôme d'instituteu­r d'autre part).

La LEg est entrée en vigueur le 1er juillet 1996. Malgré cela, il existe encore aujourd'hui en Suisse, selon diverses études, des écarts salariaux importants entre les femmes et les hommes, qui ne s'expliquent que partiellem­ent par des facteurs objectifs (persistanc­e, par exemple, des stéréotype­s au détriment des femmes). Les travaux de Mme Claudia Goldin, professeur­e d'économie à l'Université Harvard, permettent de comprendre les raisons socio-économique­s des discrimina­tions salariales que subissent les femmes dans le monde. Mme Goldin a reçu le Prix Nobel d'économie le 9 octobre dernier. ■

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