Des sanctions «en cascade», sans l’aval des clubs
De nouvelles mesures destinées à lutter contre la violence autour des matchs entreront en vigueur la saison prochaine en Suisse. L’instance représentant les plus grandes équipes a participé à leur élaboration, mais s’oppose à leur application
Fermons les yeux et projetons-nous dans quelques mois. Première journée de la saison 2024-2025 de Super League suisse de football: le champion en titre, Servette, affronte le FC Sion, néo-promu. Des personnes sont mises en danger par l’allumage de feux d’artifice? Il faudra procéder à un examen de la situation pour les trois matchs suivants, qui constitueront une période de probation sujette à des sanctions plus strictes.
Des dommages matériels particulièrement graves sont observés? L’entrée au stade sera placée sous vidéosurveillance pour les deux matchs suivants. Des violences interpersonnelles entraînent des blessures? Une fermeture de secteur sera prononcée pour un ou deux matchs.
Voici quelques-unes des mesures prévues par le modèle de sanctions dit «en cascade» qui entrera en vigueur la saison prochaine dans les stades suisses de football. Objectif: endiguer les phénomènes de violence qui se déroulent «autour des matchs». C’est-à-dire pas seulement dans les tribunes, mais dans le contexte général de l’événement qui comprend également le déplacement des supporters et leur comportement en dehors de l’enceinte à proprement dit. Le concept général a été présenté en mars 2023. C’est son contenu précis – quelle mesure pour quel débordement – qui a fait l’objet d’une nouvelle conférence de presse hier à Berne.
«Inefficace, unilatéral, disproportionné»
Comme une année plus tôt étaient assis côte à côte les représentants des autorités politiques et ceux du monde du football. Avec une différence notable: ils ne parlent plus d’une même voix. Le groupe de travail des autorités chargées de délivrer les autorisations, présidé par le conseiller d’Etat valaisan Frédéric Favre, a validé l’introduction du modèle de sanctions en cascade, s’appuyant sur l’unanimité des conseillers d’Etat chargés des questions de sécurité dans leurs cantons respectifs. La Swiss Football League, elle, s’en est désolidarisée.
Il serait «inefficace, unilatéral et disproportionné» et mélangerait «la prévention et la répression sans se focaliser sur la prévention de futurs actes de violence», a justifié son directeur Claudius Schäfer. Les représentants des autorités politiques «regrettent vivement» cette prise de position, alors que l’instance représentant les 22 clubs des deux premières divisions du pays «a participé de manière intensive à l’élaboration» et «a obtenu de nombreuses modifications» du concept aujourd’hui rejeté. Les différentes parties insistent sur leur volonté de continuer le dialogue de manière constructive. Mais l’unité affichée il y a une année en prend un coup.
La Swiss Football League considère que les sanctions collectives, par exemple la fermeture d’une tribune à la suite d’agissements d’une infime minorité de fauteurs de troubles, sont non seulement injustes pour des milliers de supporters mais aussi contre-productives, car elles entraînent des réactions des groupes de fans dans tout le pays. «De notre point de vue, ce ne sont pas des sanctions collectives, répond Frédéric Favre. On empêche simplement la réunion d’un groupe qui a causé la mise en danger d’autrui, comme on peut le faire dans d’autres domaines que le sport.»
Le conseiller d’Etat valaisan convient qu’il serait préférable de punir les individus responsables, mais rappelle la difficulté de les identifier. La Swiss Football League, elle, met en avant ses efforts de dialogue – avec les groupes de supporters et des partenaires comme les CFF – et de collaboration avec les forces de police pour débusquer les contrevenants à l’ordre. Elle se sait pertinemment sous la menace de l’introduction des billets nominatifs, honnis des ultras, mesure qu’elle redoute encore plus que le modèle en cascade. ■