Un spectacle avec quatre cordes à son art
A l’Usine, l’Orchestre de chambre de Genève, les danseurs du Ballet du Grand Théâtre, les expérimentateurs musicaux de Tout Bleu et les metteurs en images de Z1 Studio s’associent pour deux soirées d’entremêlement des codes esthétiques
«C’est une soirée festive: on boit des coups, on écoute de la bonne musique…» C’est bien entendu une question d’horizon, d’attente, mais quand cette phrase est prononcée par Marc Leroy-Calatayud, au pupitre de l’Orchestre de chambre de Genève (OCG), on lève l’oreille.
A la fois invitation et provocation, elle interpelle donc mais, surtout, elle délimite le périmètre du projet qu’elle décrit, et dont le jeune chef est l’une des chevilles ouvrières: Electrofaunes.
Electrofaunes, et la manière de le présenter, naît du voeu de faire mentir l’image volontiers compassée qu’on colle au dos de la musique académique. Comment? En pariant sur le festif, certes, mais surtout en abattant les cloisons et en réunissant dans une même pièce, dans un même espace sonore et visuel des éléments que l’on n’aurait pas forcément tendance à associer de prime abord: l’OCG donc; le Ballet du Grand Théâtre de Genève (GTG) ensuite; le difficilement classable groupe genevois Tout Bleu (une manière usuelle de les étiqueter malgré tout consisterait à parler à leur sujet d’«art pop électroacoustique»); et enfin les metteurs en images lysergiques de Z1 Studio (Camille de Dieu et Laurent Novac).
«Art pop électroacoustique»
Cet attelage inattendu se retrouvera les 15 et 16 mars à l’Usine (encore un entremêlement, tant culturel que socioéconomique) pour mettre en commun ses savoirs, ses manières de faire et de sonner. D’un côté, l’orchestre amènera son propre répertoire de musique contemporaine. De l’autre, les solistes de l’OCG se mettront au service de Tout Bleu, et vice versa. Simone Aubert, de Tout Bleu, nous explique: «Marc Leroy-Calatayud avait envie de remettre un Electrofaunes [une première édition avait eu lieu en 2023], et il a voulu écouter notre univers.» Quel est-il, cet univers? Un alliage d’instruments dits acoustiques (la voix et la guitare de Simone Aubert, le violoncelle de Naomi Mabanda, l’alto de Luciano Turella) et d’électronique (les machines sont tenues par POL); une musique sans inhibitions, qui fait coexister les rythmes en angles, les dissonances fertiles et l’art de la transe. Marc Leroy-Calatayud s’y est visiblement senti à l’aise, et a proposé une synergie. «On a eu la chance de trouver dans l’OCG une vraie envie de collaboration, poursuit Simone Aubert. Chacun a amené son monde avec lui et, même malgré une période de préparation assez courte, on a réussi à les juxtaposer.»
Cet attelage inattendu met en commun des savoirs, des manières de faire et de sonner
Une des tâches à effectuer était de procéder à une nouvelle orchestration, à destination de l’OCG, des titres du répertoire de Tout Bleu – disponibles sur deux albums sortis chez Bongo Joe et Zamzamrec: l’homonyme Tout Bleu (2018) et Otium (2021). Simone Aubert: «Aujourd’hui, on a un cahier de morceaux de Tout Bleu en partitions écrites et arrangées par Ludovic Thirvaudey [de l’OCG et du Conservatoire de Genève entre autres] pour un orchestre de 19 personnes! C’est la première fois que je vois mes parties de guitares sur des partitions et franchement, j’en suis très honorée.»
Le résultat escompté de ces échanges, c’est une palette d’agrandissements mutuels: sur le plan sonore entre Tout Bleu et l’OCG; sur celui des sens entre le son et l’image, avec l’adjonction à ce premier hybride des mouvements des danseurs du GTG et des visions hallucinatoires de Z1 Studio. Une pollinisation croisée dans cette ruche qu’est l’Usine.
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