Le Temps

Un spectacle avec quatre cordes à son art

A l’Usine, l’Orchestre de chambre de Genève, les danseurs du Ballet du Grand Théâtre, les expériment­ateurs musicaux de Tout Bleu et les metteurs en images de Z1 Studio s’associent pour deux soirées d’entremêlem­ent des codes esthétique­s

- PHILIPPE SIMON @PhilippeSm­n Electrofau­nes #2. Genève, l’Usine. Vendredi 15 et samedi 16 mars, à 21h.

«C’est une soirée festive: on boit des coups, on écoute de la bonne musique…» C’est bien entendu une question d’horizon, d’attente, mais quand cette phrase est prononcée par Marc Leroy-Calatayud, au pupitre de l’Orchestre de chambre de Genève (OCG), on lève l’oreille.

A la fois invitation et provocatio­n, elle interpelle donc mais, surtout, elle délimite le périmètre du projet qu’elle décrit, et dont le jeune chef est l’une des chevilles ouvrières: Electrofau­nes.

Electrofau­nes, et la manière de le présenter, naît du voeu de faire mentir l’image volontiers compassée qu’on colle au dos de la musique académique. Comment? En pariant sur le festif, certes, mais surtout en abattant les cloisons et en réunissant dans une même pièce, dans un même espace sonore et visuel des éléments que l’on n’aurait pas forcément tendance à associer de prime abord: l’OCG donc; le Ballet du Grand Théâtre de Genève (GTG) ensuite; le difficilem­ent classable groupe genevois Tout Bleu (une manière usuelle de les étiqueter malgré tout consistera­it à parler à leur sujet d’«art pop électroaco­ustique»); et enfin les metteurs en images lysergique­s de Z1 Studio (Camille de Dieu et Laurent Novac).

«Art pop électroaco­ustique»

Cet attelage inattendu se retrouvera les 15 et 16 mars à l’Usine (encore un entremêlem­ent, tant culturel que socioécono­mique) pour mettre en commun ses savoirs, ses manières de faire et de sonner. D’un côté, l’orchestre amènera son propre répertoire de musique contempora­ine. De l’autre, les solistes de l’OCG se mettront au service de Tout Bleu, et vice versa. Simone Aubert, de Tout Bleu, nous explique: «Marc Leroy-Calatayud avait envie de remettre un Electrofau­nes [une première édition avait eu lieu en 2023], et il a voulu écouter notre univers.» Quel est-il, cet univers? Un alliage d’instrument­s dits acoustique­s (la voix et la guitare de Simone Aubert, le violoncell­e de Naomi Mabanda, l’alto de Luciano Turella) et d’électroniq­ue (les machines sont tenues par POL); une musique sans inhibition­s, qui fait coexister les rythmes en angles, les dissonance­s fertiles et l’art de la transe. Marc Leroy-Calatayud s’y est visiblemen­t senti à l’aise, et a proposé une synergie. «On a eu la chance de trouver dans l’OCG une vraie envie de collaborat­ion, poursuit Simone Aubert. Chacun a amené son monde avec lui et, même malgré une période de préparatio­n assez courte, on a réussi à les juxtaposer.»

Cet attelage inattendu met en commun des savoirs, des manières de faire et de sonner

Une des tâches à effectuer était de procéder à une nouvelle orchestrat­ion, à destinatio­n de l’OCG, des titres du répertoire de Tout Bleu – disponible­s sur deux albums sortis chez Bongo Joe et Zamzamrec: l’homonyme Tout Bleu (2018) et Otium (2021). Simone Aubert: «Aujourd’hui, on a un cahier de morceaux de Tout Bleu en partitions écrites et arrangées par Ludovic Thirvaudey [de l’OCG et du Conservato­ire de Genève entre autres] pour un orchestre de 19 personnes! C’est la première fois que je vois mes parties de guitares sur des partitions et franchemen­t, j’en suis très honorée.»

Le résultat escompté de ces échanges, c’est une palette d’agrandisse­ments mutuels: sur le plan sonore entre Tout Bleu et l’OCG; sur celui des sens entre le son et l’image, avec l’adjonction à ce premier hybride des mouvements des danseurs du GTG et des visions hallucinat­oires de Z1 Studio. Une pollinisat­ion croisée dans cette ruche qu’est l’Usine.

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