«Si la Confédération accepte de prendre certains risques, tout va bien»
Christoph Aeschlimann, le directeur de Swisscom, défend le rachat de Vodafone Italia et assure qu’il continuera à investir autant en Suisse
Directeur de Swisscom depuis juin 2022, Christoph Aeschlimann mène la plus grosse opération de l’opérateur depuis des années. Pour lui, l’opération en Italie n’a que des avantages.
Racheter Vodafone Italia, c’est votre idée? Cela fait des années qu’une consolidation du marché italien des télécoms est en discussion. Il y a peu, une opportunité s’est présentée, et j’étais effectivement l’une des forces principales derrière cette transaction, dans laquelle je suis totalement impliqué.
Avec ce rachat, Swisscom bascule du côté de l’Italie. N’est-ce pas trop risqué? Beaucoup d’opérateurs historiques ont des activités à l’étranger, tels Deutsche Telekom, Telefonica, Orange ou British Telecom. Ce n’est pas une anomalie. Mais effectivement, dès que le rachat sera effectif, le groupe Swisscom réalisera 45% de son chiffre d’affaires en Italie, c’est une partie importante.
C’est un marché sur lequel vous avez connu des pertes importantes au début… C’est vrai, les débuts ont été compliqués. Mais c’est un marché que nous connaissons depuis dix-sept ans, notre chiffre d’affaires là-bas a crû de 50% ces dix dernières années. Grâce à ce rachat, notre filiale italienne sera davantage résiliente, aura une meilleure base de coûts et pourra mieux faire face à la concurrence locale. Mais par le passé, Swisscom a perdu des milliards à l’étranger. La situation est totalement différente. Il y a 20 ans, nous voulions aller dans des pays que nous ne connaissions pas. L’Italie est un marché que nous maîtrisons, et il y aura à la clé des synergies de coûts très importantes, de l’ordre de 600 millions d’euros.
Vous faites miroiter une hausse du dividende pour faire passer la pilule de ce rachat? Nos prévisions sont tout à fait réalistes, Vodafone Italie est aujourd’hui déjà profitable, la société générera davantage de cash après la transaction, une hausse du dividende est tout à fait réaliste. Les actionnaires en profiteront et par ricochet, la Confédération.
Avez-vous parlé de ce rachat avec le conseiller fédéral Albert Rösti? Il y a eu des discussions entre Swisscom et l’actionnaire de référence, la Confédération, représentée par le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication. La Confédération est convaincue que cette opération générera beaucoup de valeur pour les actionnaires. De plus, ce rachat se trouve dans le cadre des objectifs fixés par la Confédération.
«Une hausse du dividende est tout à fait réaliste. Les actionnaires en profiteront et par ricochet, la Confédération»
Selon vous, Swisscom doit-il être privatisé? Je n’ai pas d’opinion à ce sujet. Ce serait, le cas échéant, une décision politique. Ce qui compte pour moi, c’est d’avoir la liberté pour appliquer ma stratégie, d’avoir assez de marge de manoeuvre entrepreneuriale pour développer Swisscom et avoir du succès. Si l’actionnaire principal accepte de prendre certains risques, tout va bien. Cela a été le cas ces dernières années et c’est le cas aujourd’hui.
Allez-vous continuer à investir autant en Suisse? Oui, rien ne change par rapport à nos objectifs à moyen et long terme. Nous voulons avoir le meilleur réseau de Suisse, maintenir nos parts de marché et servir nos clients au mieux. Nous n’allons clairement pas réduire nos investissements en Suisse.
Vous allez emprunter quelque 8 milliards d’euros, n’est-ce pas risqué? Non, notre portefeuille est très bien diversifié sur la durée, Swisscom a un bilan très fort et la meilleure note de crédit de la part de l’agence Moody’s. Et même après ce rachat, cette note demeurera la même. De plus, grâce aux synergies à venir, nous allons réduire notre endettement et accroître notre dividende.
Aurez-vous moins de temps à accorder au marché suisse? Bien sûr, je m’occuperai un peu plus de l’Italie. Mais je suis très bien entouré, et ma priorité demeure la Suisse. Il n’y a aucune inquiétude à avoir.■