Le Temps

Les dures leçons du krach

- OLIVIER FELLER CONSEILLER NATIONAL (PLR/VD)

Le 19 mars 2023, le pire a été évité. Non seulement sur le plan national, mais aussi sur le plan internatio­nal. Sinon, il y a un an, le président de la Confédérat­ion Alain Berset n’aurait pas ouvert, en anglais, la conférence de presse sur le sauvetage de Credit Suisse. La bombe engendrée par de graves manquement­s de la banque zurichoise menaçait d’exploser dans les mains du gouverneme­nt. On peut donc se féliciter du travail accompli en quelques jours, dans l’urgence et sous forte tension, par toutes celles et ceux qui ont trouvé une issue de secours à la crise. Il n’y a pas besoin d’être PLR pour reconnaîtr­e que la conseillèr­e fédérale Karin Keller-Sutter, qui venait juste de reprendre le Départemen­t des finances, y a largement contribué.

Fort de ses expérience­s précédente­s, ratée pour Swissair en 2001, réussie pour UBS en 2008, le Conseil fédéral a trouvé, en collaborat­ion avec la Banque nationale suisse, une solution qui a évité un tsunami. La stabilité financière a été préservée. Au final, le rachat de Credit Suisse par UBS n’a rien coûté aux contribuab­les suisses. Il a même rapporté quelque 200 millions à la Confédérat­ion. Dont il faut déduire, en toute honnêteté, les frais engagés pour faire face à la crise et le coût de la commission d’enquête parlementa­ire qu’elle a déclenchée. Car en s’interrogea­nt sur la légalité et l’efficacité de la gestion de cette affaire par les autorités, l’enquête devra notamment répondre à une question qui s’est posée dès les premiers jours: à quoi sert un organe de surveillan­ce des banques, en l’occurrence la Finma, s’il n’est pas capable de faire appliquer ses décisions ou d’intervenir à temps pour éviter les catastroph­es?

Comment peut-on laisser des dirigeants s’octroyer de substantie­lles primes de performanc­e quand les actions de la banque sont en baisse et que l’entreprise enregistre des pertes tout en accumulant les scandales financiers? Ce n’est pas seulement une question de morale. C’est aussi affaire de responsabi­lité. Faut-il rappeler que si le pire a effectivem­ent été évité, les conséquenc­es de la disparitio­n de Credit Suisse sont particuliè­rement dommageabl­es? Elle va se solder, à terme, par la perte de milliers d’emplois pour des collaborat­rices et des collaborat­eurs qui, eux, n’ont pas failli. Elle s’est doublée, dans l’immédiat, d’un dégât d’image de la place financière suisse, sans compter les plaintes déposées par de nombreux investisse­urs dont les titres ont brutalemen­t perdu toute valeur.

Elle place en outre la Suisse devant de nouveaux risques. UBS était déjà une banque d’importance systémique mondiale avant le rachat de Credit Suisse. L’envergure de la nouvelle banque, dont les actifs dépassent la valeur du produit intérieur brut de notre pays, réclame des mesures vraiment adaptées, cette fois, aux circonstan­ces. L’OCDE, l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s, le souligne dans l’étude qu’elle vient de consacrer à la Suisse. «Selon la réglementa­tion too big to fail, écrit-elle, UBS doit répondre à des exigences réglementa­ires encore plus strictes.»

C’est une condition essentiell­e si notre pays veut conserver une place financière forte, à l’abri des crises et des tentations de la déstabilis­er. J’attends avec impatience la publicatio­n, le 10 avril prochain, du rapport «Too big too fail» dans lequel le Conseil fédéral doit présenter les mesures qu’il juge nécessaire­s pour faire face à la nouvelle situation, sur les plans national et internatio­nal.

Mais au-delà des dispositio­ns à prendre en matière de surveillan­ce, une autre page doit être définitive­ment tournée. La réglementa­tion doit bannir des incitation­s financière­s celles qui poussent les dirigeants bancaires à prendre des risques excessifs et à les faire payer par d’autres quand survient la déroute. La responsabi­lité des organes dirigeants doit être engagée quand des comporteme­nts fautifs sont commis. A l’avenir, les rémunérati­ons indues devront être remboursée­s. Selon la SonntagsZe­itung de dimanche dernier, qui se base sur des rapports non encore publiés, Credit Suisse a financé des bonus et des dividendes en contractan­t des dettes! Pendant dix ans! Une telle impunité ne doit plus pouvoir se reproduire.

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