La politique migratoire de l’Europe a des airs italiens
Soutenue par l’Union européenne, la première ministre italienne Giogia Meloni poursuit sa politique d’investissement sur le continent africain dans l’espoir de stopper les flux migratoires
Il faut «réaffirmer le droit des citoyens africains à ne pas émigrer vers l’Europe». Giorgia Meloni se fait la porte-parole du Vieux-Continent lorsqu’elle s’adresse à l’autre rive de la Méditerranée. La première ministre italienne ne cache pas derrière de belles paroles ce qu’elle attendait de l’accord politique, économique, commercial et sécuritaire passé entre l’Egypte et l’Union européenne dimanche: «affronter le problème de l’immigration illégale et combattre les trafiquants d’êtres humains».
Ce thème tient particulièrement au coeur de la présidente du Conseil des ministres, élue en 2022 sur la promesse de mettre un terme à l’immigration clandestine. Et à moins de trois mois des élections européennes, c’est l’occasion pour l’UE de démontrer que la question n’est pas laissée à la merci des formations d’extrême droite.
L’Union européenne a donc promis de verser au Caire 7,4 milliards d’euros d’ici à 2027 pour «assurer sur le long terme une stabilité macroéconomique et une croissance économique durable», selon la déclaration commune publiée le 17 mars. Bruxelles s’engage à investir notamment dans «les énergies renouvelables, l’industrialisation avancée, l’agriculture, la sécurité alimentaire et la gestion de l’eau». Si l’Europe se félicite aussi de pouvoir «remplacer les approvisionnements énergétiques de la Russie», elle est moins loquace concernant l’aspect migratoire. Elle promet au Caire, sans davantage de détails, le «soutien financier nécessaire pour l’aider à favoriser les voies de migration légales et à s’attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière, à lutter contre le trafic illicite de migrants et la traite des personnes, et à renforcer la gestion des frontières».
L’approche est la même qu’avec la Tunisie. «En échange de promesses et de financements, l’Europe espère que les leaders africains s’engagent à freiner l’immigration, à fermer leurs frontières», commente Giovanni Carbone, professeur de sciences politiques à l’Université de Milan et responsable du programme Afrique au sein de l’ISPI, l’Institut pour les études de politique internationale. En juillet 2023, l’Union européenne et la Tunisie ont signé un «accord politique» promettant de «renforcer leurs liens économiques et commerciaux». Le texte prévoit également un volet sur la «lutte contre la migration irrégulière». Le 4 mars dernier, 150 millions d’euros ont été «transférés au Trésor public tunisien sous forme de dons», communique la Commission européenne.
Mais le cas égyptien est «particulier», nuance le spécialiste: le pays n’est pas un pays clé dans la lutte contre l’immigration clandestine. «Les autorités européennes, craignant qu’il puisse devenir l’un des pays majeurs de départ et de transit, ont décidé de soutenir son développement économique afin d’empêcher que ne se créent les conditions favorables à l’immigration.»
La méthode Meloni
Au Caire comme à Tunis, Giorgia Meloni est l’ombre d’Ursula von der Leyen. Cette dernière s’appuie sur la première ministre italienne et sur son «plan Mattei». Giorgia Meloni a effectivement essayé dans un premier temps de fermer les frontières nationales avant de changer de stratégie à la suite du naufrage de Cutro et à la mort de 94 personnes en février 2023. Elle a alors décidé de soutenir l’aide au développement dans les pays africains dans l’espoir que leurs habitants n’aient pas besoin d’immigrer. Ce plan Mattei n’existe pas formellement, sinon dans les discours de sa promotrice.
Giorgia Meloni est néanmoins perçue positivement par les pays africains grâce à cette démarche, détaille le professeur Giovanni Carbone. «Ceux-ci réservent leurs critiques plutôt à la France et aux Etats-Unis, mais n’ont aucun ressentiment envers les Italiens. La première ministre italienne a misé sur les rapports personnels avec les leaders africains, notamment éthiopien et congolais», en se rendant à plusieurs reprises sur le continent africain. Cela a mené au succès, «inattendu» selon le spécialiste, du sommet Italie-Afrique fin janvier à Rome et a permis le lancement officiel du plan Mattei, appuyé et financé en partie par l’Union européenne.
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