Albert Rösti se prépare à défendre la réforme électrique contre les siens
Le conseiller fédéral UDC a présenté hier la loi sur l’approvisionnement basé sur les énergies renouvelables. Soutenu par le parlement et de grandes associations de défense de la nature, il pourrait devoir affronter son parti
A qui s’adressait Albert Rösti, hier, en présentant les arguments en faveur de la loi relative à un approvisionnement en électricité sûr? Aux journalistes présents au centre de presse du Palais fédéral et, à travers eux, aux futurs votants du 9 juin. Mais en prenant le soin de répéter à plusieurs reprises certains points, il était clair que le conseiller fédéral chargé de l’Energie s’adressait aussi à ses collègues de parti.
De quoi parle ce texte, que l’on ne doit plus appeler Mantelerlass, qui était son sobriquet alémanique lors des débats parlementaires, conclus par un vote positif en septembre dernier? «Nous avons besoin de beaucoup plus d’électricité, a lancé Albert Rösti. Cette loi en fournit, tout en renforçant l’approvisionnement indigène.» Aujourd’hui, la Confédération doit importer 6 térawattheures (TWh) de courant en hiver pour couvrir ses besoins. La loi veut faciliter la construction d’installations déclarées d’intérêt national pour la production d’énergies renouvelables, afin de moins dépendre de l’étranger. L’eau, le soleil, le vent et la biomasse doivent rendre la Suisse plus souveraine dans son approvisionnement. Par ces moyens, Albert Rösti espère éviter à l’avenir la situation vécue lors de l’hiver 2022-202,3 où l’incertitude énergétique a créé de l’insécurité. «Un pays riche comme la Suisse ne peut pas se permettre une pénurie d’énergie, a-t-il repris. Cela ternirait notre réputation.»
Economies d’énergie
Les objectifs sont élevés: au moins 35 TWh d’électricité devront être produits en 2035 grâce aux énergies renouvelables – barrages non compris –, et 45 TWh en 2050. Les exigences pour l’énergie hydraulique sont fixées à 37,9 TWh et 39,2 TWh. Elles pourront être atteintes notamment grâce à 16 chantiers (rehaussements ou constructions) qui bénéficieront de procédures accélérées, même en cas de recours. Idem pour certains projets solaires ou éoliens considérés d’importance nationale. Cette concentration, approuvée par des associations comme Pro Natura et le WWF, évite aussi un mitage du territoire.
Le texte fixe également des objectifs d’efficacité aux sociétés qui distribuent l’énergie aux consommateurs. Selon le modèle des Services industriels de Genève (SIG), elles devront faire économiser 2 TWh par an à leurs clients sur l’ensemble du pays. La loi était initialement plus ambitieuse, «mais un grand parti était totalement opposé» à ces contraintes, a rappelé le ministre. «J’ai confiance dans l’industrie, a-t-il dit. Elle a intérêt à faire baisser ses coûts. Si tout un chacun a l’opportunité de faire des économies, il les fait sans demander à l’Etat de l’y contraindre.»
Ces promesses n’ont pas convaincu Paysage libre Suisse, qui a lancé un référendum, soutenu par la Fondation Franz Weber. Les référendaires jugent la loi dangereuse pour la protection de la nature et du paysage. Ils craignent aussi une restriction des droits populaires.
En face, la coalition en faveur du texte est large, réunissant tous les partis du parlement. Le comité qui le soutient est composé de 98 élus fédéraux, dont un sur cinq est issu des rangs de l’UDC, le parti d’Albert Rösti. Deux éminents agrariens, Christian Imark et Jakob Stark, siègent d’ailleurs à la coprésidence.
L’UDC se positionne samedi
L’UDC, très divisée, doit se déterminer samedi prochain lors d’une assemblée au cours de laquelle le ministre de l’Energie rappellera que deux tiers des élus UDC au parlement avaient soutenu le texte et que «ceux qui connaissent les questions énergétiques» sont dans son camp. En face, des ténors comme Marcel Dettling, conseiller national schwytzois et futur président qui sera intronisé lors de la même assemblée, lui rétorqueront que «les prescriptions écologiques permettront de créer moins de courant issu des forces hydrauliques» et que «cette loi retire du pouvoir aux communes». C’est précisément cet argument qu’Albert Rösti a contesté en répétant que «les communes pourront toujours voter sur des projets énergétiques qui les concernent.»
«Cette loi renforce notre souveraineté. Je peine à comprendre ses opposants. Nous devons être capables de produire de l’énergie en Suisse. La maîtrise des coûts nous rendra moins dépendants des fluctuations du marché», explique Nicolas Kolly, conseiller national et membre de la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie. Avant même le vote de samedi, l’UDC fribourgeoise a prévenu son comité directeur qu’elle s’opposerait à lui en cas de vote en faveur du référendum. Selon son évaluation, un tiers des parlementaires soutiennent la loi sur les énergies renouvelables, un tiers le référendum et un tiers reste indécis. La délégation romande se trouve plutôt dans le premier tiers. «Les opposants adoptent une position un peu idéologique qui leur permet d’affirmer que si l’UDC avait été suivie lors du vote de 2017 sur l’énergie nucléaire, ces questions d’approvisionnement seraient réglées», conclut-il.
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Aujourd’hui, la Confédération doit importer 6 térawattheures de courant en hiver pour couvrir ses besoins