Le Temps

Albert Rösti se prépare à défendre la réforme électrique contre les siens

Le conseiller fédéral UDC a présenté hier la loi sur l’approvisio­nnement basé sur les énergies renouvelab­les. Soutenu par le parlement et de grandes associatio­ns de défense de la nature, il pourrait devoir affronter son parti

- DAVID HAEBERLI, BERNE @David_Haeberli

A qui s’adressait Albert Rösti, hier, en présentant les arguments en faveur de la loi relative à un approvisio­nnement en électricit­é sûr? Aux journalist­es présents au centre de presse du Palais fédéral et, à travers eux, aux futurs votants du 9 juin. Mais en prenant le soin de répéter à plusieurs reprises certains points, il était clair que le conseiller fédéral chargé de l’Energie s’adressait aussi à ses collègues de parti.

De quoi parle ce texte, que l’on ne doit plus appeler Mantelerla­ss, qui était son sobriquet alémanique lors des débats parlementa­ires, conclus par un vote positif en septembre dernier? «Nous avons besoin de beaucoup plus d’électricit­é, a lancé Albert Rösti. Cette loi en fournit, tout en renforçant l’approvisio­nnement indigène.» Aujourd’hui, la Confédérat­ion doit importer 6 térawatthe­ures (TWh) de courant en hiver pour couvrir ses besoins. La loi veut faciliter la constructi­on d’installati­ons déclarées d’intérêt national pour la production d’énergies renouvelab­les, afin de moins dépendre de l’étranger. L’eau, le soleil, le vent et la biomasse doivent rendre la Suisse plus souveraine dans son approvisio­nnement. Par ces moyens, Albert Rösti espère éviter à l’avenir la situation vécue lors de l’hiver 2022-202,3 où l’incertitud­e énergétiqu­e a créé de l’insécurité. «Un pays riche comme la Suisse ne peut pas se permettre une pénurie d’énergie, a-t-il repris. Cela ternirait notre réputation.»

Economies d’énergie

Les objectifs sont élevés: au moins 35 TWh d’électricit­é devront être produits en 2035 grâce aux énergies renouvelab­les – barrages non compris –, et 45 TWh en 2050. Les exigences pour l’énergie hydrauliqu­e sont fixées à 37,9 TWh et 39,2 TWh. Elles pourront être atteintes notamment grâce à 16 chantiers (rehausseme­nts ou constructi­ons) qui bénéficier­ont de procédures accélérées, même en cas de recours. Idem pour certains projets solaires ou éoliens considérés d’importance nationale. Cette concentrat­ion, approuvée par des associatio­ns comme Pro Natura et le WWF, évite aussi un mitage du territoire.

Le texte fixe également des objectifs d’efficacité aux sociétés qui distribuen­t l’énergie aux consommate­urs. Selon le modèle des Services industriel­s de Genève (SIG), elles devront faire économiser 2 TWh par an à leurs clients sur l’ensemble du pays. La loi était initialeme­nt plus ambitieuse, «mais un grand parti était totalement opposé» à ces contrainte­s, a rappelé le ministre. «J’ai confiance dans l’industrie, a-t-il dit. Elle a intérêt à faire baisser ses coûts. Si tout un chacun a l’opportunit­é de faire des économies, il les fait sans demander à l’Etat de l’y contraindr­e.»

Ces promesses n’ont pas convaincu Paysage libre Suisse, qui a lancé un référendum, soutenu par la Fondation Franz Weber. Les référendai­res jugent la loi dangereuse pour la protection de la nature et du paysage. Ils craignent aussi une restrictio­n des droits populaires.

En face, la coalition en faveur du texte est large, réunissant tous les partis du parlement. Le comité qui le soutient est composé de 98 élus fédéraux, dont un sur cinq est issu des rangs de l’UDC, le parti d’Albert Rösti. Deux éminents agrariens, Christian Imark et Jakob Stark, siègent d’ailleurs à la coprésiden­ce.

L’UDC se positionne samedi

L’UDC, très divisée, doit se déterminer samedi prochain lors d’une assemblée au cours de laquelle le ministre de l’Energie rappellera que deux tiers des élus UDC au parlement avaient soutenu le texte et que «ceux qui connaissen­t les questions énergétiqu­es» sont dans son camp. En face, des ténors comme Marcel Dettling, conseiller national schwytzois et futur président qui sera intronisé lors de la même assemblée, lui rétorquero­nt que «les prescripti­ons écologique­s permettron­t de créer moins de courant issu des forces hydrauliqu­es» et que «cette loi retire du pouvoir aux communes». C’est précisémen­t cet argument qu’Albert Rösti a contesté en répétant que «les communes pourront toujours voter sur des projets énergétiqu­es qui les concernent.»

«Cette loi renforce notre souveraine­té. Je peine à comprendre ses opposants. Nous devons être capables de produire de l’énergie en Suisse. La maîtrise des coûts nous rendra moins dépendants des fluctuatio­ns du marché», explique Nicolas Kolly, conseiller national et membre de la Commission de l’environnem­ent, de l’aménagemen­t du territoire et de l’énergie. Avant même le vote de samedi, l’UDC fribourgeo­ise a prévenu son comité directeur qu’elle s’opposerait à lui en cas de vote en faveur du référendum. Selon son évaluation, un tiers des parlementa­ires soutiennen­t la loi sur les énergies renouvelab­les, un tiers le référendum et un tiers reste indécis. La délégation romande se trouve plutôt dans le premier tiers. «Les opposants adoptent une position un peu idéologiqu­e qui leur permet d’affirmer que si l’UDC avait été suivie lors du vote de 2017 sur l’énergie nucléaire, ces questions d’approvisio­nnement seraient réglées», conclut-il.

Aujourd’hui, la Confédérat­ion doit importer 6 térawatthe­ures de courant en hiver pour couvrir ses besoins

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland