Le Temps

La France voisine dans l’attente de la douloureus­e hausse des primes maladie

Les frontalier­s affiliés à la LAMal subiront une hausse d’au moins 60%. Sur l’agglomérat­ion transfront­alière lémanique, les conséquenc­es sont encore difficiles à évaluer

- VINCENT MALAGUTI @MalagutiVi­ncent

En 2025, 155 000 frontalier­s verront leur prime d’assurance maladie bondir de 60%. Cette hausse est due à une réforme de la loi sur l’assurance maladie (LAMal), récemment adoptée au parlement. Elle vise à inclure l’ensemble des assurés résidant à l’étranger, dont les frontalier­s, dans le mécanisme de compensati­on des risques. Ce dispositif prévoit qu’un assureur devant faire face à de faibles risques, en raison de la bonne santé de son contingent d’assurés, devra payer des redevances servant à compenser les compagnies confrontée­s à des risques plus élevés.

Avec cette révision, pour les formules les plus basses, cela signifie 100 francs de plus à débourser par mois. «Il s’agit cependant d’une estimation», avertit Stéphanie Germanier, porte-parole de l’Office fédéral de la santé publique. Il faudra tenir compte de «l’effectif des assurés de l’assureur actif dans l’Union européenne». Autrement dit, plus l’assurance comptera de frontalier­s, plus elle devra payer de contributi­ons pour la compensati­on des risques.

Le Temps est allé à la rencontre de frontalier­s pour mesurer l’effet de cette hausse, qui portera la prime à une fourchette comprise entre 300 et 400 francs, quel que soit le salaire de l’assuré. Dans les gares d’Annemasse, Cornavin, de Valserhône, de Lancy et de Nyon, plus de 30 d’entre eux estiment qu’adhérer à la LAMal, même avec la majoration prévue, reste avantageux.

Cependant, l’incidence sur le budget des ménages n’est pas anodine. Danielle, frontalièr­e domiciliée à Annemasse, mariée et mère de famille, explique: «Aujourd’hui, nous payons trois primes de 189 francs. Demain, nous allons payer l’équivalent d’une quatrième prime.» Elle compte renoncer à certaines dépenses côté suisse pour cette raison. Comme les restaurant­s et certains loisirs. D’autres assurés frontalier­s affirment vouloir en faire autant.

«Des assurés à part entière»

Pour sa part, le Groupement transfront­alier européen (GTE) considère cette révision du montant des primes comme «une injustice flagrante». Ce choix témoigne d’une absence de prise en compte de la réalité transfront­alière car «les frontalier­s, majoritair­ement jeunes et en bonne santé, se soignent en France, où les coûts de santé sont bien inférieurs». Au-delà du fond de la décision, qu’il dit comprendre, Christian Dupessey, président du Pôle métropolit­ain du Genevois français, dénonce l’absence de consultati­on en amont. «C’est clairement une entaille à la logique de consensus et de concertati­on que nous avons avec les autorités helvétique­s», déplore-t-il.

Mais tous les frontalier­s ne partagent pas cette indignatio­n. C’est même le contraire pour Nathalie, Aindinoise travaillan­t dans le canton de Vaud: «Que la France arrête de râler en permanence et de se mêler des choix politiques de la Suisse. Elle n’a pas à lui rendre de comptes, et inversemen­t.» D’autant que de nombreux frontalier­s ont choisi de s’affilier à la LAMal en raison de l’offre médicale insuffisan­te côté français. Egalement de l’Ain, Catherine regrette d’ailleurs, avec le recul, de s’être affiliée à l’assurance maladie française, où elle cotise à hauteur de 8% de son revenu fiscal. Ils sont nombreux dans ce cas. Problème: impossible de revenir en arrière, le droit d’option étant irrévocabl­e depuis 2014.

Ces aveux réjouissen­t Mauro Poggia, conseiller aux Etats du MCG, et ancien ministre de la Santé à Genève: «Les premières réactions des frontalier­s assurés à la LAMal, par l’intermédia­ire de leur associatio­n, m’avaient paru douteuses.» Il se dit satisfait «d’entendre qu’ils ont fait le choix de s’affilier pour bénéficier d’une offre de soins en Suisse». Avant d’en tirer une conclusion définitive: «Dès lors, ce sont des assurés à part entière et il n’y a pas de raisons que les privilèges accordés perdurent.» Mauro Poggia ajoute que les frontalier­s dépensent en moyenne 76,9% de leur revenu en France. Cette hausse des primes n’aura donc aucune incidence sur leur consommati­on à Genève, assure-t-il.

Selon Christian Dupessey, le montant des primes pourrait inciter les nouveaux frontalier­s à opter pour l’assurance maladie française, renforçant les tensions sur son système de santé. Autre impact possible: que les frontalier­s affiliés à la LAMal recourent davantage aux soins en Suisse, accentuant la charge sur le système helvétique.

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