Le Temps

Zurich devient la Mecque du cannabis suisse

Le plus grand canton du pays a annoncé hier le lancement d’un nouveau projet pilote de distributi­on de cannabis récréatif réparti dans 34 communes. Au total, environ 15 000 personnes auront bientôt accès légalement au produit en Suisse

- BORIS BUSSLINGER, ZURICH @BorisBussl­inger

A Zurich, les projets pilotes fleurissen­t aussi vite que le produit qu’ils distribuen­t. La ville permet déjà l’achat de cannabis récréatif à environ 2000 inscrits depuis août 2023. Mais pour y avoir accès, il fallait habiter dans la commune urbaine. A partir de mai 2025, ce ne sera plus forcément un obstacle. Au bénéfice d’une récente autorisati­on de l’Office de la santé publique (OFSP), un deuxième projet est désormais annoncé, couvrant 34 communes (sur 160) du canton, dont un grand nombre de petites circonscri­ptions rurales, pour un échantillo­n de 7500 personnes. La gamme des produits distribués s’élargit également, agrémentan­t les fleurs de cannabis et le haschich proposés aux participan­ts de la première étude en cours par des huiles et autres recharges de vaporettes chargées en THC. C’est le septième test de la sorte à débuter en Suisse depuis l’entrée en vigueur d’une modificati­on de la loi fédérale sur les stupéfiant­s en mai 2021.

Face à une salle comble, Paul-Lukas Good, fondateur et président de l’associatio­n Swiss

Cannabis Research, à la base de ce nouveau projet pilote, rappelle quelques statistiqu­es: «Plus d’un tiers des Suisses ont déjà consommé du cannabis au cours de leur vie. Moi également. Actuelleme­nt, nous criminalis­ons les consommate­urs, alors que le commerce du produit est laissé à des bandes criminelle­s, qui génèrent un chiffre d’affaires annuel d’environ un demi-milliard de francs. La situation n’est pas acceptable. Cependant si l’on va vers une meilleure régulation du cannabis, il faut des données.» C’est là qu’intervient l’EPFZ, dont une équipe de recherche indépendan­te participe au nouveau programme.

«Les pionniers»

«Ce projet, dit le chercheur à l’EPFZ Andreas Beerli, le plus vaste de Suisse à ce jour, sera différent des autres car il se concentre sur l’impact de la régulation sur la vie sociale et économique des consommate­urs.» Dans le cadre de l’étude, qui ne concerne que des fumeuses et fumeurs actifs, 5000 personnes auront accès aux produits – fournis par l’entreprise SwissExtra­ct, basée entre Fribourg et Schwytz – alors que 2500 malheureux (les places sont tirées au sort) participer­ont à la recherche en continuant à s’approvisio­nner dans la rue. Afin d’observer la différence entre l’état actuel des choses et celui d’une légalisati­on du produit.

Les participan­ts à l’étude sans accès aux points de vente ne seront pas davantage protégés des forces de l’ordre qu’avant, précise

Swiss Cannabis Research. Cependant, soulignent les organisate­urs, «ils sont des pionniers dans le sens où ils participen­t personnell­ement à fournir au parlement une base scientifiq­ue robuste pour les décisions futures concernant la réglementa­tion du cannabis en Suisse. Ils recevront également des bons d’achat Galaxus.» Pour les autres, ce nouveau test permettra d’acheter jusqu’à 10 grammes de THC (pur) par mois au sein de sept centres répartis dans le canton à Zurich, Winterthou­r, Schlieren, Uster, Adliswil, Horgen et Wädenswil. Pour une consommati­on «personnell­e et à l’intérieur». Durée du projet: quatre ans.

Alors que les projets pilotes de distributi­on de cannabis prennent actuelleme­nt une certaine ampleur, quid du jour où ce genre de tests à large échelle arriveront à échéance? «Nous ne fournisson­s que les données, répondent les responsabl­es de Swiss Cannabis Research. La balle sera ensuite dans le camp politique.» Celui-ci sera bientôt confronté à la question de manière aiguë. Car une fois ce dernier projet sur les rails, le nombre de personnes habilitées à acheter légalement du cannabis en Suisse (entre Genève (Vernier), Lausanne, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Berne, Lucerne et Bienne) dépassera bientôt – d’après les chiffres de l’OFSP – les 15 000 personnes. Un nombre qui augmentera encore, puisque plusieurs demandes d’organisati­on de tests sont encore en traitement au sein de l’administra­tion fédérale.

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