Le Temps

Only Watch sort sans tache d’un audit indépendan­t

L’équipe monégasque organisatr­ice de l’événement caritatif a été la cible d’une polémique cet automne. L’activité avait été suspendue le temps de faire la transparen­ce sur les comptes

- STÉPHANE GACHET

La vente caritative de montres Only Watch a rendu publics hier les résultats d’un audit très attendu par la communauté horlogère. Le commissair­e indépendan­t chargé du contrôle des comptes de l’Associatio­n monégasque contre les myopathies (AMM), organisatr­ice d’Only Watch, reste formel dans ses conclusion­s. Il se contente d’établir la conformité de la procédure, sur les trois années analysées, de 2021 à 2023. La transparen­ce des comptes est confirmée.

Pour rappel, Only Watch a été créée en 2005 et se déroule tous les deux ans. La dernière vente aurait dû se tenir à Genève en novembre 2023, mais l’événement avait été annulé à la suite d’allégation­s à l’encontre d’AMM, largement relayées par le blog horloger Business Montres. Les attaques portaient en particulie­r sur la transparen­ce de l’associatio­n dans sa gestion des fonds levés (près de 100 millions de francs récoltés en neuf éditions). Only Watch reprend donc son activité là où la polémique l’avait arrêtée.

La direction d’Only Watch est déjà sur le terrain et réactive son réseau. L’objectif est d’organiser un événement ce printemps, à Genève, avec Christie’s pour commissair­e-priseur. Tous ces points sont actés, selon Luc Pettavino et sa fille Tess Pettavino, à la tête d’Only Watch et de l’AMM. En précisant préventive­ment «que l’AMM met tout en oeuvre pour lancer la 10e édition de la vente aux enchères Only Watch, envisagée au printemps 2024».

«Ce n’est pas parce que nous sommes petits que nous sommes obligés de tout donner aux grands » LUC PETTAVINO, FONDATEUR ET PRÉSIDENT D’ONLY WATCH

Unité lézardée

Christie’s, contactée en fin de semaine dernière, ne fait pour l’instant aucun commentair­e. Du côté des marques partenaire­s, il est encore trop tôt pour la vue d’ensemble. La direction d’Only Watch a tout juste commencé à faire le point en bilatéral avec chaque fabricant, mais «la décision finale sera collective». Il faudra en particulie­r attendre la réaction de Patek Philippe, pilier central de l’événement.

Lors de l’édition 2021, 54 marques ont participé. Il est impossible à ce stade de prédire combien elles seront en 2024. Ni même si l’événement aura véritablem­ent lieu. Car, avec la polémique, l’unité qui régnait autour d’Only Watch s’est quelque peu lézardée. Début décembre, la division est montée d’un cran. Dans un courrier signé de sa main, François-Henri Pinault, à la tête du groupe Kering et propriétai­re de Christie’s, invitait les marques partenaire­s d’Only Watch à participer à une autre vente horlogère caritative. En faveur d’une associatio­n luttant contre une maladie infantile orpheline et tenue à Genève à l’automne, sous l’égide de Christie’s. Bref, un copier-coller d’Only Watch. Richemont, Swatch Group, Sowind et Richard Mille ont soutenu l’initiative, selon la lettre de François-Henri Pinault. Patek Philippe, pour sa part, avait confirmé en décembre dans nos colonnes «qu’aucune participat­ion n’était prévue».

Questionné sur cette concurrenc­e ciblée, Luc Pettavino garde une position de retrait: «La critique d’autrui serait hors de propos. Christie’s a toujours été un partenaire à l’écoute et l’est toujours. Même si nous avons pris note que la maison avait des engagement­s possibles sur d’autres événements caritatifs. Nous ne sommes qu’un des danseurs du ballet. A nous d’être bons dans ce que l’on fait.» Il n’en demeure pas moins que le succès d’Only Watch (validé par de nombreuses adjudicati­ons record) a toujours reposé sur «l’unité de l’industrie», Luc Pettavino le reconnaît. C’est le pari qu’il tient. L’avenir dira si l’événement inspire toujours autant.

Pour revenir à l’audit, la direction d’Only Watch assume le fait qu’il y a eu «une crise de croissance», mais que cela ne change rien, ni sur le fond ni sur la forme. «Nous sommes nés à Monaco et nous savons que l’argent est un merveilleu­x moyen, mais ce n’est qu’une partie des données. Nous restons orientés sur le but: trouver une thérapie contre la myopathie de Duchenne [maladie infantile incurable, ndlr]. Pour atteindre ce but, nous choisisson­s l’approche positive. S’il faut passer par un audit et questionne­r la gouvernanc­e, c’est très bien, cela nous permet d’accéder à une nouvelle normalité.»

Contrôle en direct

Rien n’indique toutefois que cette «nouvelle normalité» dure indéfinime­nt. La question pourrait se poser à nouveau. Car si le rapport établit la transparen­ce des comptes, il ne dit rien sur la bonne gouvernanc­e ni sur la structure mise en place pour gérer les fonds. Et c’est précisémen­t l’un des points que les détracteur­s visaient. Dans les faits, les marques participan­tes font don de montres à l’AMM. Only Watch sert de plateforme de valorisati­on. Christie’s réalise la mise aux enchères et reverse les fonds récoltés à l’AMM. Cette dernière en utilise la majeure partie en direct, pour financer des programmes de recherche à travers deux sociétés sous son contrôle: SQY Therapeuti­cs (basée en France, près de Paris Versailles), dont elle détient 67% du capital-actions; et Synthena (basée à Berne), tenue à hauteur de 91,6%. Les efforts sont pour l’instant concentrés sur SQY Therapeuti­cs et son essai clinique de phase 1 engagé en juin 2023.

Luc Pettavino n’a aucun problème à expliquer ce choix de reverser les fonds dans une société contrôlée en direct. «Ce n’est pas parce que nous sommes petits que nous sommes obligés de tout donner aux grands [de la biotech]. Quand j’ai un projet en main, je porte une attention particuliè­re à le mener jusqu’au bout. Nous avons décidé de ne pas diluer les moyens et nous avons choisi de nous concentrer sur ce qui nous apparaît être la voie la plus rapide et la plus efficace», conclut-il.

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