Only Watch sort sans tache d’un audit indépendant
L’équipe monégasque organisatrice de l’événement caritatif a été la cible d’une polémique cet automne. L’activité avait été suspendue le temps de faire la transparence sur les comptes
La vente caritative de montres Only Watch a rendu publics hier les résultats d’un audit très attendu par la communauté horlogère. Le commissaire indépendant chargé du contrôle des comptes de l’Association monégasque contre les myopathies (AMM), organisatrice d’Only Watch, reste formel dans ses conclusions. Il se contente d’établir la conformité de la procédure, sur les trois années analysées, de 2021 à 2023. La transparence des comptes est confirmée.
Pour rappel, Only Watch a été créée en 2005 et se déroule tous les deux ans. La dernière vente aurait dû se tenir à Genève en novembre 2023, mais l’événement avait été annulé à la suite d’allégations à l’encontre d’AMM, largement relayées par le blog horloger Business Montres. Les attaques portaient en particulier sur la transparence de l’association dans sa gestion des fonds levés (près de 100 millions de francs récoltés en neuf éditions). Only Watch reprend donc son activité là où la polémique l’avait arrêtée.
La direction d’Only Watch est déjà sur le terrain et réactive son réseau. L’objectif est d’organiser un événement ce printemps, à Genève, avec Christie’s pour commissaire-priseur. Tous ces points sont actés, selon Luc Pettavino et sa fille Tess Pettavino, à la tête d’Only Watch et de l’AMM. En précisant préventivement «que l’AMM met tout en oeuvre pour lancer la 10e édition de la vente aux enchères Only Watch, envisagée au printemps 2024».
«Ce n’est pas parce que nous sommes petits que nous sommes obligés de tout donner aux grands » LUC PETTAVINO, FONDATEUR ET PRÉSIDENT D’ONLY WATCH
Unité lézardée
Christie’s, contactée en fin de semaine dernière, ne fait pour l’instant aucun commentaire. Du côté des marques partenaires, il est encore trop tôt pour la vue d’ensemble. La direction d’Only Watch a tout juste commencé à faire le point en bilatéral avec chaque fabricant, mais «la décision finale sera collective». Il faudra en particulier attendre la réaction de Patek Philippe, pilier central de l’événement.
Lors de l’édition 2021, 54 marques ont participé. Il est impossible à ce stade de prédire combien elles seront en 2024. Ni même si l’événement aura véritablement lieu. Car, avec la polémique, l’unité qui régnait autour d’Only Watch s’est quelque peu lézardée. Début décembre, la division est montée d’un cran. Dans un courrier signé de sa main, François-Henri Pinault, à la tête du groupe Kering et propriétaire de Christie’s, invitait les marques partenaires d’Only Watch à participer à une autre vente horlogère caritative. En faveur d’une association luttant contre une maladie infantile orpheline et tenue à Genève à l’automne, sous l’égide de Christie’s. Bref, un copier-coller d’Only Watch. Richemont, Swatch Group, Sowind et Richard Mille ont soutenu l’initiative, selon la lettre de François-Henri Pinault. Patek Philippe, pour sa part, avait confirmé en décembre dans nos colonnes «qu’aucune participation n’était prévue».
Questionné sur cette concurrence ciblée, Luc Pettavino garde une position de retrait: «La critique d’autrui serait hors de propos. Christie’s a toujours été un partenaire à l’écoute et l’est toujours. Même si nous avons pris note que la maison avait des engagements possibles sur d’autres événements caritatifs. Nous ne sommes qu’un des danseurs du ballet. A nous d’être bons dans ce que l’on fait.» Il n’en demeure pas moins que le succès d’Only Watch (validé par de nombreuses adjudications record) a toujours reposé sur «l’unité de l’industrie», Luc Pettavino le reconnaît. C’est le pari qu’il tient. L’avenir dira si l’événement inspire toujours autant.
Pour revenir à l’audit, la direction d’Only Watch assume le fait qu’il y a eu «une crise de croissance», mais que cela ne change rien, ni sur le fond ni sur la forme. «Nous sommes nés à Monaco et nous savons que l’argent est un merveilleux moyen, mais ce n’est qu’une partie des données. Nous restons orientés sur le but: trouver une thérapie contre la myopathie de Duchenne [maladie infantile incurable, ndlr]. Pour atteindre ce but, nous choisissons l’approche positive. S’il faut passer par un audit et questionner la gouvernance, c’est très bien, cela nous permet d’accéder à une nouvelle normalité.»
Contrôle en direct
Rien n’indique toutefois que cette «nouvelle normalité» dure indéfiniment. La question pourrait se poser à nouveau. Car si le rapport établit la transparence des comptes, il ne dit rien sur la bonne gouvernance ni sur la structure mise en place pour gérer les fonds. Et c’est précisément l’un des points que les détracteurs visaient. Dans les faits, les marques participantes font don de montres à l’AMM. Only Watch sert de plateforme de valorisation. Christie’s réalise la mise aux enchères et reverse les fonds récoltés à l’AMM. Cette dernière en utilise la majeure partie en direct, pour financer des programmes de recherche à travers deux sociétés sous son contrôle: SQY Therapeutics (basée en France, près de Paris Versailles), dont elle détient 67% du capital-actions; et Synthena (basée à Berne), tenue à hauteur de 91,6%. Les efforts sont pour l’instant concentrés sur SQY Therapeutics et son essai clinique de phase 1 engagé en juin 2023.
Luc Pettavino n’a aucun problème à expliquer ce choix de reverser les fonds dans une société contrôlée en direct. «Ce n’est pas parce que nous sommes petits que nous sommes obligés de tout donner aux grands [de la biotech]. Quand j’ai un projet en main, je porte une attention particulière à le mener jusqu’au bout. Nous avons décidé de ne pas diluer les moyens et nous avons choisi de nous concentrer sur ce qui nous apparaît être la voie la plus rapide et la plus efficace», conclut-il.
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