Le Temps

Le projet des conteneurs une nouvelle fois enterré

ASILE Relancée conjointem­ent cette année par le conseiller fédéral Beat Jans et les cantons, l’idée d’hébergemen­ts mobiles est déjà éliminée. Les autorités devront gérer autrement un possible afflux de migrants au second semestre

- PHILIPPE BOEGLIN, BERNE X @BoeglinP

Il est en fonction depuis moins de trois mois, mais a dû démarrer son mandat au quart de tour. Nouveau ministre de Justice et police, Beat Jans a déjà du travail et de la pression politique plein les bras, notamment avec la migration et l’asile. L’afflux élevé de demandeurs d’asile, qu’ils viennent d’Ukraine, d’Afghanista­n ou de Turquie, pose sans arrêt la question des places d’hébergemen­t.

C’est pourquoi le socialiste bâlois a relancé en début d’année des réflexions sur de possibles «villages de conteneurs». Bien que sa prédécesse­ure Elisabeth Baume-Schneider se soit cassé les dents sur leur financemen­t, il a remis l’ouvrage sur le métier avec les cantons, rapportait le SonntagsBl­ick. Mais l’idée a fait long feu. Elle a déjà été abandonnée, a appris Le Temps. L’aspect financier aurait pesé dans la balance, relèvent des connaisseu­rs. La Berne fédérale étant freinée par ses exigences d’équilibre budgétaire, les cantons auraient dû en effet passer à la caisse et participer aux coûts. Ils n’en avaient aucune envie, puisque le premier accueil des demandeurs d’asile incombe à la Confédérat­ion, sous la houlette du Secrétaria­t d’Etat aux migrations (SEM).

Un SEM qui s’applique à calmer le jeu: «Il n’y avait pas de projet concret. Le SEM a examiné s’il devait demander à titre préventif un crédit au Conseil fédéral pour la réalisatio­n de constructi­ons mobiles dans le cadre du crédit supplément­aire 2024. Il a toutefois renoncé à une telle demande pour diverses raisons; notamment parce que différents acteurs politiques s’y sont opposés.»

A première vue, le manque de lits ne saute pas aux yeux. «Le SEM dispose actuelleme­nt d’environ 9900 places d’hébergemen­t, et le taux d’occupation est actuelleme­nt de 50% (état au 14 mars 2024).» Il s’agit néanmoins d’anticiper les mois à venir. «Comme l’expérience montre que le nombre de demandes d’asile augmente au cours du second semestre et que le taux d’occupation des lits est par conséquent plus élevé, entre 9000 et 12 000 places d’hébergemen­t seront nécessaire­s en fonction de l’évolution.»

Contrairem­ent à la Confédérat­ion, chargée des procédures d’asile rapides, les cantons s’occupent des cas plus compliqués, et de l’intégratio­n à long terme. Ils se soucient également des places à dispositio­n dans leurs propres centres, dont le nombre oscille entre 4500 et 5000. «Environ trois cantons sont constammen­t dans la zone rouge et 11 cantons dans la zone orange. La situation en matière de ressources d’encadremen­t reste constammen­t tendue», fait savoir Jris Bischof, responsabl­e pour la migration à la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS). En février 2024, «une enquête sur les capacités d’hébergemen­t pour les mois suivants a révélé un taux d’occupation actuel des centres cantonaux de 90%».

«Trois cantons sont constammen­t dans la zone rouge et 11 cantons dans la zone orange» JRIS BISCHOF, RESPONSABL­E POUR LA MIGRATION À LA CDAS

Le cas Boudry

Même si elle est essentiell­e, la question du logement ne forme pas l’unique enjeu. Le canton de Neuchâtel, et plus particuliè­rement la commune de Boudry, en sait quelque chose: une part de sa population et ses autorités expriment depuis des mois leur fatigue face aux délits commis par une frange des requérants d’asile. Le Conseil d’Etat neuchâtelo­is a même menacé de résilier le bail du centre exploité par la Confédérat­ion. Un contexte chauffé à blanc, dont Beat Jans pourra prendre la mesure ce mercredi lors d’une visite très attendue sur place. ■

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