Précoce, la mue de l’agriculture valaisanne a débuté
CLIMAT Les hivers doux et les printemps prématurés rallongent la durée de risque de gel. A cela s’ajoute la grêle, que le canton ne connaissait que très rarement par le passé. Face à ces réalités, la branche a lancé de grandes réflexions quant à son aveni
Les vergers valaisans ont revêtu leurs atours printaniers précocement. En raison de la douceur de l’hiver, les premiers abricotiers ont fleuri, il y a un mois déjà, entre le 20 et le 25 février, avec une dizaine de jours d’avance. Mais surtout, deux mois et demi avant les saints de glace qui s’étendent du 11 au 14 mai et qui, traditionnellement, font référence à une croyance, celle d’un refroidissement des températures durant ces quatre jours. Si une fois cette période traversée le gel ne représente plus de risque pour l’agriculture, jusque-là les agriculteurs valaisans restent vigilants.
Début mars, deux nuits de lutte ont déjà été nécessaires, dans le Valais central, pour faire face au gel. Et elles pourraient bien ne pas être les seules de 2024. «Ces dernières années, il y a toujours eu un retour de froid au mois d’avril, les craintes pour que cela survienne également cette année sont donc bien présentes», indique Olivier Borgeat, le secrétaire général de l’interprofession des fruits et légumes du Valais (IFELV).
Si les risques liés au gel ont toujours existé dans la plaine du Rhône et sur le coteau, ils sont devenus de plus en plus récurrents au fil du temps. «Le changement climatique engendre des hivers plus doux et des printemps plus précoces, ce qui rallonge la durée de risque de gel», appuie Olivier Borgeat. Face à cette réalité, l’agriculture valaisanne agit. Si la branche a renforcé ses moyens de lutte contre le gel, elle a aussi lancé de grandes réflexions quant à son avenir. Et cela pourrait passer par une adaptation des types de culture. «Les pistes étudiées sont nombreuses. Elles vont de la plantation de variétés déjà présentes dans les vergers valaisans, mais étant plus résistantes ou ayant une période de floraison plus tardive ou plus courte, à un changement de culture, pour faire place à des essences plus résistantes au gel», souligne le secrétaire général de l’IFELV.
Mais le gel n’est pas le seul défi auquel doit faire face l’agriculture valaisanne. L’année dernière a démontré que la grêle, très peu fréquente par le passé en Valais, est un danger désormais. Le 24 juillet, un orage a détruit quasiment la moitié de la production, faisant de 2023 l’une des plus faibles récoltes des trente dernières années. «Si les moyens de lutte contre le gel sont répandus en Valais, notre canton va devoir se préparer à installer des filets anti-grêle, comme cela se fait dans d’autres régions de Suisse», précise-t’il.
«On décale les saisons sans s’adapter au changement climatique»
L’adaptation de l’agriculture valaisanne face au changement climatique est donc en cours. Mais elle fait face à un obstacle de poids: la loi du marché. «Celui qui consomme décide», résume Olivier Borgeat. Or le marché influence le consommateur, qui veut «tout, toujours plus tôt». Et le secrétaire général de l’IFELV de prendre l’exemple des tomates que l’on retrouve dans les rayons en hiver, des fraises disponibles sur les étals en février déjà ou des abricots étrangers vendus dès le mois d’avril. «On décale les saisons sans s’adapter au changement climatique. Or, avant de dépendre de la demande, la production dépend des conditions climatiques et il faut en tenir compte, insiste Olivier Borgeat. On peut promouvoir la durabilité autant que l’on veut, si l’on n’adapte pas nos modes de consommation au climat, à son changement et aux modes de production, on a un problème. Et aujourd’hui on a ce problème…» ■