Le parfum des cryptos: PostFinance n’a pas le nez fin
Cela a tout du canular et ça n'en est pourtant pas un. Sur son site web, PostFinance écrit: «Grâce à l'intelligence artificielle, nous avons donné une odeur à la crypto.» La banque précise par ailleurs que les flacons de son Crypt Eau de Parfum sont disponibles en quantité limitée – 1000 unités – et peuvent être obtenus gratuitement dans les filiales participantes.
En découvrant cette campagne, on pense d'abord à un poisson d'avril publié par erreur avant l'heure. La page web dédiée contient même une vidéo où le parfumeur Uwe Manasse explique comment il a collaboré avec l'IA pour créer ce parfum. «On commence par des tons argentés, qui incarnent la métaphore d'une pièce de monnaie, indique-t-il. Puis vient la coriandre, une nuance très claire, très nette, qui rappelle, peut-être, la vitesse et surtout les billets de banque. Et, pour finir, la lavande, évoquant la confiance à l'égard de PostFinance.»
Le parfumeur précise qu'il a apporté une touche finale, à travers des tons musqués, voire laiteux, «qui représentent l'être humain», pour parachever l'oeuvre de l'IA. Mais le plus absurde, c'est probablement la réponse du service de presse de PostFinance, interrogé sur cette étrange campagne: le parfum «combine la curiosité humaine et l'intelligence artificielle. L'objectif de cette campagne marketing est de rendre la crypto tangible et de susciter des émotions».
La démarche n'est pas anodine. PostFinance n'est pas n'importe quelle banque. Il s'agit d'un établissement qui appartient à La Poste, une entreprise en mains de la Confédération. La banque a lancé en février une offre dans le domaine des cryptomonnaies, permettant à ses clients d'acquérir et de vendre une sélection de 11 monnaies numériques, parmi lesquels le bitcoin et l'ether.
Que PostFinance se lance dans les cryptomonnaies n'a rien de surprenant. En revanche, son choix d'accompagner cette offre d'une campagne marketing dont le seul objectif est de pousser à l'achat est discutable de la part d'un établissement en mains publiques.
«Humer la crypto, c'est bien. En posséder, c'est mieux», peut-on lire sur le site de l'établissement. Celui-ci précise que tout achat de cryptomonnaies d'une valeur de 100 dollars américains permet de participer automatiquement au tirage au sort de trois bitcoins – dont le prix à l'unité s'élève à environ 65 000 dollars à l'heure où ces lignes sont écrites.
Tout dans cette démarche fleure bon le casino. Comme si c'était le seul et unique intérêt des cryptomonnaies. Or, PostFinance aurait été beaucoup plus inspirée d'inciter ses clients à s'intéresser à ces actifs au-delà de leur seule dimension spéculative. De leur donner les clefs de compréhension de cet univers particulier, où les arnaques sont légion. Le choix de l'établissement prouve que son intérêt pour les monnaies numériques ne repose pas sur une démarche mature et réfléchie, mais uniquement sur l'appât du gain. C'est regrettable de la part d'une banque qui reste la propriété des citoyens suisses. Et ça ne participera pas à améliorer l'image des cryptomonnaies. Un bel autogoal. ■