La baisse des taux se rapproche pour la Banque nationale suisse
L’heure de l’assouplissement ne semble pas encore venue pour la BNS. L’institut d’émission devrait maintenir jeudi son taux directeur à 1,75%. Une première baisse pourrait survenir dès le mois de juin, estiment les spécialistes
Pour la BNS, la période de la stabilité des taux a succédé à celle du resserrement monétaire. Le taux directeur de la Banque nationale stagne à 1,75% depuis septembre dernier. A en croire les économistes, la banque centrale helvétique devrait opter à nouveau cette semaine pour le statu quo.
«Le marché n’anticipe pas de baisse de taux jeudi, indique Arthur Jurus, stratégiste à la banque privée Oddo BHF Suisse. La BNS devrait rester prudente et maintenir sa discipline monétaire.» Ces trente dernières années, la Banque nationale n’a jamais baissé son taux directeur quand l’inflation était supérieure à 1%, fait-il remarquer.
L’inflation en Suisse est tombée dans «la zone de confort», écrit UBS dans une analyse publiée la semaine passée. Le renchérissement a baissé plus rapidement que prévu depuis le début de l’année. A 1,2% en février, l’inflation se situe désormais nettement dans l’objectif défini par la BNS, soit entre 0 et 2%, fourchette qu’elle assimile à la stabilité des prix.
De plus, la récente dépréciation du franc suisse a réduit la pression sur la BNS pour qu’elle abaisse son taux directeur, notent les experts de la grande banque. Depuis début janvier, le franc s’est déprécié de 3,5% par rapport à l’euro et de 5,3% par rapport au dollar. Dans le même temps, l’économie helvétique continue de croître à un rythme inférieur à la tendance à long terme, car la faiblesse de la demande étrangère pèse sur le secteur industriel.
«Le but d’un assouplissement monétaire est d’améliorer les conditions financières, mais depuis huit mois, tant les taux hypothécaires que souverains diminuent, explique Arthur Jurus. En pratique, l’économie suisse est déjà en train de jongler avec des baisses de taux. Il n’y a pas d’urgence pour la BNS à agir pour soutenir l’économie.»
Si les pressions inflationnistes ont diminué, elles n’ont pas complètement disparu. «La Banque nationale devrait réviser à la baisse ses prévisions d’inflation à plus long terme, ce qui devrait ouvrir la porte à une baisse des taux en juin», anticipe UBS. En décembre dernier, la banque centrale prévoyait encore une inflation de 1,9% en 2024 et de 1,6% en 2025.
«La BNS restera prudente sur ses prévisions d’inflation, pronostique, pour sa part, Arthur Jurus, car les pressions inflationnistes restent essentiellement domestiques qu’il s’agisse des loyers, de l’alimentation, des loisirs ou des restaurants.»
Lorsque les membres de la direction générale de la BNS se réuniront cette semaine, ils seront «probablement parmi les premiers dans les économies
«Il n’y a pas d’urgence pour la BNS à agir pour soutenir l’économie» ARTHUR JURUS, STRATÉGISTE À ODDO BHF
avancées à pouvoir sérieusement envisager une réduction immédiate des taux», estime Bloomberg. Cependant, comme l’économie suisse se maintient, que les pressions sur les taux de change restent contenues et que l’inflation est susceptible d’augmenter légèrement, les experts de l’agence financière pensent que la BNS va maintenir son taux inchangé pour le moment.
Selon un sondage réalisé par Bloomberg auprès d’un panel d’économistes, une première baisse de 25 points de base pourrait survenir en juin, suivie de deux autres en septembre et décembre, ce qui porterait le taux directeur de la Banque nationale à 1% en fin d’année.
Un autre argument plaide en faveur du statu quo. La Réserve fédérale américaine (Fed), qui se réunit également cette semaine et communiquera mercredi soir, et la Banque centrale européenne (BCE) ne devraient pas abaisser leurs taux directeurs avant le deuxième trimestre 2024. Dans ce contexte, «la BNS n’est probablement pas prête à commencer à assouplir sa politique monétaire avant d’avoir la certitude que la Fed et la BCE entameront bientôt elles aussi leur cycle de baisse des taux», estime UBS.
Vice-président favori
La réunion de jeudi sera la première depuis l’annonce surprise au début du mois de la démission du président Thomas Jordan. Sa succession en octobre prochain ne sera pas discutée. Le vice-président Martin Schlegel fait figure de favori. C’est le Conseil fédéral qui nomme les membres de la direction générale de la BNS sur proposition du conseil de banque.
Le triumvirat de la BNS est au complet depuis le début de l’année. Pour la première fois, Antoine Martin sera présent devant les médias aux côtés de Thomas Jordan et Martin Schlegel. Le Vaudois, issu de la Fed, a succédé à la tête de la division Marchés monétaires de l’institution à la Genevoise Andréa Maechler, partie l’été dernier pour rejoindre la Banque des règlements internationaux (BRI).
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