Le Temps

Un festival pour comprendre le monde

Le rendez-vous nyonnais Visions du Réel a dévoilé les 165 documentai­res, en provenance de 50 pays, qui composent le menu de sa 55e édition, qui se déroulera du 12 au 21 avril

- S. G. Visions du Réel, 55e édition, Nyon, du 12 au 21 avril.

Parmi les 15 films qui composent la compétitio­n internatio­nale de la 55e édition de Visions du Réel, on trouve cette année dix premiers longs métrages. Directrice du festival nyonnais, Emilie Bujès se réjouit de cette forte présence de la relève, qui souligne forcément l’excellente vitalité du cinéma documentai­re, avec des propositio­ns «très libres dans leurs dispositif­s et approches».

La reconnaiss­ance accrue des festivals généralist­es pour le genre explique peut-être également cet engouement. Il n’est en effet pas rare que des cinéastes découverts à Nyon présentent leur deuxième ou troisième long métrage à Berlin, Rotterdam ou Locarno, afin d’accroître leur visibilité. Une preuve de l’importance de Visions du Réel pour les profession­nels, qui sont d’ailleurs nombreux à fréquenter son volet «industry».

Trois longs métrages suisses sont cette année en lice pour le Grand Prix, décerné l’an dernier à Peter Mettler pour While the Green Grass Grows. Sept ans après Calabria, un improbable et émouvant road-movie en corbillard en compagnie de deux employés des Pompes funèbres générales de Lausanne et d’un cadavre, Pierre-François Sauter raconte dans Far West le quotidien de quelques habitants d’un petit village du Cap-Vert confronté à la pêche sportive pratiquée sans respect de la nature par les Occidentau­x. Tourné à la frontière bosno-croate par Nicole Vögele, The Landscape and the Fury est un film pictural faisant le lien entre passé et présent, tandis que The Song of Others, de Vadim Jendreyko, est un essai autour d’une question de plus en plus complexe: qu’est-ce que l’Europe?

Huis clos ukrainien

En marge de cette triplette helvétique, Emilie Bujès pointe notamment l’étonnant Apple Cider Vinegar, qui voit la Belge Sofie Benoot partir d’un calcul rénal pour proposer une déambulati­on minérale, et In Limbo, de l’Ukrainienn­e Alina Maksimenko, un huis clos réalisé lorsqu’elle a été contrainte de quitter Kiev et de retourner vivre chez ses parents à la suite de l’invasion russe. D’autres longs métrages emmèneront le public en Syrie, en Afghanista­n, en Biélorussi­e, en Espagne, au Japon ou encore au Liban et en Argentine.

Parmi les 3300 titres soumis des quatre coins du monde, l’équipe de sélection de Visions du Réel a retenu 165 courts et longs métrages en provenance de 50 pays. Pour la deuxième année d’affilée, la parité a été atteinte, mais sans la mise en place de quotas. Il s’agit d’un reflet de la production mondiale en matière de documentai­re, même si la proportion de femmes est sans doute encore plus importante dans les courts métrages, avec toujours ce déséquilib­re en ce qui concerne les films aux budgets plus conséquent­s, encore trop souvent réalisés par des hommes.

Riche de 11 titres, la compétitio­n nationale confirme que le documentai­re suisse aime regarder ailleurs, avec de nombreux films tournés à l’étranger, en marge d’une immersion dans des immeubles zurichois que leur propriétai­re, la Caisse de pension du Credit Suisse, souhaite détruire (Brunaupark, de Felix Hergert et Dominik Zietlow). A côté de l’aventureus­e section compétitiv­e Burning Lights, dédiée aux «nouvelles formes et perspectiv­es de cinéma», d’autres cases sont réservées à des films déjà montrés ailleurs et à des séances de gala. On y découvrira notamment les nouvelles réalisatio­ns du Britanniqu­e Steve McQueen, du Brésilien Kleber Mendonça Filho et du Français Nicolas Philibert. Sa compatriot­e Christine Angot présentera de son côté Une Famille, un film dans lequel elle revient sur l’inceste dont elle a été victime.

Des temps forts

Invités d’honneur du festival, le grand cinéaste chinois Jia Zhang-ke (régulièrem­ent en compétitio­n à Cannes et célébré en parallèle par la Cinémathèq­ue suisse), la Française Alice Diop (qui a remporté un Lion d’argent à Venise et un César pour Saint Omer, sa première fiction) et l’Américain John Wilson (auteur de la remarquée série documentai­re, produite par HBO) se prêteront au jeu des rencontres publiques pour ce qui s’annonce comme trois temps forts de la semaine.

La compétitio­n nationale confirme que le documentai­re suisse aime regarder ailleurs

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