Le Temps

«Para no olvidar», images privées pour film public

La Genevoise Laura Gabay recherche son père défunt via un legs audiovisue­l, dans un documentai­re projeté l’an dernier à Visions du Réel puis Filmar en América latina

- N. C. Para no olvidar, de Laura Gabay (Suisse, France, Uruguay, 2023), 1h02.

Que faire des enregistre­ments de parents décédés? Plutôt que de tout jeter ou remiser à la cave, la cinéaste genevoise Laura Gabay a décidé d’en tirer un documentai­re de montage où le seul apport additionne­l serait sa propre voix off. L’idée est de récupérer tout un pan de mémoire resté dans le non-dit d’une famille marquée par l’exil. En l’occurrence du côté d’un père artiste qui a choisi de fuir la dictature militaire en Uruguay (1973-1985). Pour l’essentiel, il s’agit d’images super-8 sans son, auxquelles la réalisatri­ce a adjoint les enregistre­ments sonores d’une correspond­ance par cassettes avec une soeur/tante établie au Brésil.

Entre le souvenir d’une dictature méconnue, l’expérience du déracineme­nt et le mariage avec une Espagnole dont Laura est le fruit, on se dit qu’il devrait y avoir matière à enseigneme­nts intéressan­ts. La révélation d’un premier exil des grands-parents, juifs séfarades partis de Turquie à la fin de l’Empire ottoman, en rajoute une couche. Mais peu à peu, il faut bien se rendre à l’évidence: les images, pour l’essentiel de vacances au bord de la mer (Uruguay, Brésil, Espagne ou Grèce, on ne sait bientôt plus) sont de faible intérêt (ce n’est pas un long panoramiqu­e sur notre rade qui va nous faire changer d’avis) et la correspond­ance pour maintenir un semblant de lien familial, d’une terrible banalité.

Ecrire sa propre histoire

La cinéaste fait de son mieux pour habiller tout cela de musiques et de questions sans réponse, l’ennui gagne la partie. Piètre filmeur, le paternel finira par céder aux sirènes de la vidéo, et l’image devient alors affreuse. Reste un plan fort, le seul, que l’auteure nous informe être le dernier qu’il ait tourné: clairement plus âgé, le souffle court, peut-être déjà malade, il tente de suivre au zoom sa femme et ses filles qui s’éloignent… Puis, sur des énièmes images «poétiques» d’oiseaux, Laura Gabay de conclure sur une lettre dans laquelle son père lui enjoint d’écrire sa propre histoire, celle de sa propre génération s’étant étiolée dans l’espace et le temps. Merci, mais c’est un peu court. Et vite oublié.

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