En Suède, les temps sont durs pour les militants en faveur de la paix
Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, les organisations pacifistes suédoises, qui font pourtant partie de l’ADN du pays, peinent à se faire entendre. Accusées de faire le jeu de Moscou, elles ont vu le gouvernement leur couper les subventions
Est-il possible de défendre le désarmement quand la guerre est à sa porte? Pour les Suédois, c'est en tout cas devenu plus compliqué depuis le début de l'invasion russe. Sur les plateaux télé, les organisations qui oeuvrent pour la paix ont laissé place aux analystes militaires, et les prises de position pacifistes sont la cible de critiques virulentes. «Parce qu'elles s'opposent à l'adhésion de la Suède à l'OTAN ou critiquent l'envoi d'armes à l'Ukraine, les ONG sont accusées d'être les «idiots utiles» de Moscou», observait Le Monde lundi, rappelant qu'«après deux cent dix ans de paix et de non-alignement militaire», le pays, qui vient de rejoindre l'OTAN, est en pleine phase de remilitarisation.
Et si, pour ces organisations, comme la Société suédoise de paix et d'arbitrage (Svenska Freds) ou The Swedish Fellowship of Reconciliation, la situation est difficile depuis deux ans, elle l'est encore davantage en 2024. En décembre dernier, la droite conservatrice – arrivée au pouvoir grâce à l'appui de l'extrême droite en octobre 2022 – a décidé de couper les subventions des ONG pour la paix, rapporte la correspondante du Monde depuis Malmö. En tout, ce sont 20 millions de couronnes annuels (1,7 million de francs) reversés à 18 organisations par l'Académie Folke Bernadotte (l'agence gouvernementale pour la paix, la sécurité et le développement) qui se sont envolés. Avec des conséquences immédiates: la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté a, par exemple, licencié trois de ses six employés.
La coupe contraste avec les dépenses militaires du pays – 119 milliards de couronnes au budget 2024. Des dépenses qui ont bondi de 28% en 2022, contre une augmentation de 13% en moyenne dans le reste des pays européens la même année.
Moins de fonds, plus d’adhésion
Pourtant, et c'est tout le paradoxe, toujours plus de Suédois et Suédoises adhèrent à ces mouvements. Svenska Freds comptait 15 000 membres début mars, contre 6000 en février 2022. Le Mouvement chrétien pour la paix a gagné 12% d'adhérents en 2023 et la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté a vu le nombre de ses membres grossir de 35% depuis janvier 2022, remarque la radio suédoise Sverige Radio. Lundi, le roi de Suède, Charles XVI Gustave, affirmait son désir de paix à l'occasion du lever de drapeau de l'OTAN au parlement suédois. «Préserver la liberté et l'indépendance de la Suède reste notre objectif le plus important», a assuré le monarque de 77 ans. Son discours a été interrompu par des chants de militants anti-OTAN, qui redoutent de voir la Suède accueillir des bases permanentes ou des armes nucléaires sur son sol du fait de son adhésion à l'Alliance atlantique.
Aujourd'hui, à défaut d'avoir pu véritablement provoquer le débat autour de l'adhésion de la Suède à l'OTAN, l'organisation Svenska Freds milite pour interdire les armes nucléaires sur le territoire suédois et pour faire de la Suède un «artisan de la paix» au sein de l'Alliance. ■