L’exclusion d’Horizon Europe coûte cher à la Confédération
La Suisse a investi 1,85 milliard de francs pour compenser son expulsion soudaine du programme européen. Ce montant a-t-il été investi correctement? Le Contrôle fédéral des finances a publié un audit sur le sujet hier
Lorsqu’un audit du Contrôle fédéral des finances se conclut par des félicitations et des recommandations positives, saluées par les institutions concernées, c’est que tout va bien. Et qu’il n’est pas nécessaire de s’appesantir sur le sujet.
Sauf que cet audit-là, publié ce mercredi, touche un point particulièrement sensible: le 18 mars, les négociations entre la Suisse et l’Union européenne (UE) ont officiellement débuté. L’association de la Suisse aux programmes de l’UE (Horizon Europe, Euratom, ITER ou encore Erasmus +) fait partie du paquet global.
Un tout petit pas dans la bonne direction
Après la rencontre entre Viola Amherd, présidente de la Confédération, et Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, une première avancée concrète était annoncée: les chercheurs suisses auront à nouveau accès à certains programmes d’Horizon Europe dès cette année.
Un dégel salué, mais qui ne soulage pas complètement les milieux de la recherche, ni les finances fédérales, comme le souligne Simone Keller, cheffe suppléante de la communication du Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (Sefri): «Avec l’ouverture des négociations sur le paquet global, l’UE a mis en vigueur l’arrangement transitoire 2024, qui permet aux chercheurs en Suisse de participer en tant que simple bénéficiaire à l’appel à propositions pour les ERC Advanced Grants 2024 [subsides destinés aux chercheuses et chercheurs de premier plan, ndlr].»
Par contre, «la participation à d’autres appels à propositions 2024 pour des projets individuels n’est pas possible pour les chercheurs et innovateurs en Suisse», poursuit-elle. Pour les projets collaboratifs, le pays demeure associé. Une pleine et entière intégration de la Suisse à Horizon Europe est encore lointaine et aucun calendrier n’est avancé.
L’audit du Contrôle fédéral des finances sur «la mise en oeuvre des mesures transitoires suisses relatives à Horizon Europe» tombe donc à un moment important pour les institutions de recherche suisses. Il montre à quel point la Confédération a dû et doit encore investir pour compenser la perte d’environ un tiers des volets du programme Horizon Europe et aussi pour protéger son pôle de recherche.
Le budget alloué aux mesures transitoires «s’est élevé à environ 1,2 milliard de francs pour les années 2021 et 2022, tandis que d’autres mesures à hauteur de 625 millions de francs ont été décidées en mai 2023», peut-on lire dans l’audit. Ces montants ont été utilisés à satisfaction et la mise en oeuvre des mesures transitoires est qualifiée de «judicieuse», mais les contraintes imposées par l’exclusion de la Suisse du programme européen depuis 2021 sont importantes.
Une surcharge de travail «considérable»
Le Contrôle fédéral des finances relève notamment que «l’exécution des mesures transitoires a nécessité une élaboration très rapide car, en 2020, la Suisse pensait réobtenir le statut de pays associé. Elles restent par ailleurs en suspens puisque la réassociation de la Suisse au programme-cadre est possible à tout moment, avec, à la clé, la disparition soudaine d’une grande partie des tâches. Tous ces éléments influent sur l’exécution, qui n’est jamais envisagée à long terme.»
Cela implique l’engagement d’employés pour des durées très courtes, une rotation importante du personnel et une surcharge de travail pour les équipes en place. Les institutions les plus touchées sont Innosuisse, le Fonds national suisse (FNS) et le Sefri. Ce dernier est responsable du budget total de 1,85 milliard de francs attribué aux mesures transitoires pour la période 2021-2023. Simone Keller confirme que «leur mise en oeuvre par le Sefri et les autres organisations impliquées représente une charge de travail supplémentaire considérable». Ce qui pèse sur le fonctionnement des trois institutions. Ainsi, des plans précis de réduction des heures supplémentaires ont dû être élaborés.
Les négociations entre la Suisse et l’UE sont donc particulièrement scrutées par le secteur de la recherche. Maintenir ce système de mesures transitoires impliquant une gestion précaire et court-termiste n’est pas viable sur la durée. Que ce soit en termes de budget ou de ressources humaines. ■